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Italie Technique

Les lanternes Magiques🪄

Nous voyons sur le routard qu’un musée du pré-cinéma se trouve à Padoue. La curiosité nous dirige vers une grande porte, qui se dresse devant nous.

On sonne à l’interphone : la porte s’ouvre et on grimpe de grands escaliers jusqu’à arriver sous une magnifique charpente de bois. Là, dans cet espace sombre, un petit monde fascinant s’offre à nous. C’est le monde où ni la photo, ni l’animation qu’on connait sur les écrans n’existe encore, mais où on s’émerveille déjà de la lumière, de l’image, du voyage.

On découvre dans une grande pièce « les lanternes magiques », sorte d’instrument optique permettant de contempler le monde. Il s’agit de l’ancêtre du projecteur (lui-même ancêtre du video-projecteur…).

On allume la machine et on se retrouve projeté dans ce monde où l’optique, le objectifs ne sont encore que des curiosités. Nous sommes au début de la belle époque !

Ces lanternes sont plutôt simples de composition : une source lumineuse (bien souvent des bougies, ou de l’huile) permet la création d’un faisceau lumineux suffisamment puissant (ce qui crée beaucoup de fumée derrière le projecteur, et exige une cheminée !!). Ce faisceau traverse ensuite une plaque de verre peinte, et une lentille permet la projection de l’image sur un écran. A l’époque, la simple apparition de l’image était particulièrement magique et révolutionnaire. Certaines lanternes pouvaient projeter ainsi plusieurs images et possédaient deux objectifs ! Ceux ci permettaient un effet de fondu enchaîné et le changement d’image sans interruption de la projection. Magique à l’époque !

D’autres machines exposaient des plaques parfois peintes de telle sorte qu’on pouvait voir différents moments de la journée en fonction de l’éclairage qui leur était apporté.

De petits trous présents dans les plaques pouvaient être utilisés pour matérialiser les lampadaires des villes scintillantes. On découvrait ainsi le monde de jour comme de nuit ! Voyager ainsi était particulièrement tendance a l’époque, et les riches propriétaires pouvaient s’enorgueillir d’avoir un tel progrès dans leur salon !

Découvrez le monde avec la machine « El mundo novo » !

Le guide fait marcher quelques de ces machines devant nous, la poésie des images opère encore aujourd’hui ! Quelle révolution pour l’époque !

On retrouve également toute cette poésie dans le cinéma des ombres où derrière un écran et une source lumineuse, de petites maquettes s’activent pour conter quelques histoires ! Le théâtre du chat noir à Paris y est évoqué, et avec Mathilde ça nous rappelle un bon souvenir !

Le chat noir, théâtre des ombres très réputé pendant la belle époque !

Après l’apparition de la photo, les plaques de verre peintes sont peu à peu remplacées par des plaques photographiques sur lesquels le réel est figé. Certaines de ces machines utilisent déjà une représentation stéréoscopique et permettent de voir des images en 3 dimensions, quel progrès !

En pleine découverte des lois de l’optique et de la persistance rétinienne, l’heure est également au début de l’animation ! Les images défilent si vite qu’elles semblent s’animer dans le Zootrope qui tourne !

L’ère du pre-cinema est à son apogée ; plus tard, les frères Lumières créeront le premier projecteur de cinéma moderne.

On ressort de ce voyage temporel à la sortie du musée, comme après un beau voyage. Cette belle époque nous semble aujourd’hui presque poétique par la spontanéité et la simplicité technique, mais aussi pleine d’espoirs envers ce monde nouveau façonné par le progrès. C’est fascinant !

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Italie

Venise

Nous nous séparons de Mirjan et Sonja non sans les avoir bien remerciés, et roulons vers la frontière italienne, à moins de 10 km de là. Nous débouchons rapidement sur une ancienne voie ferrée, qui descend directement dans le centre ville de Trieste. Quelle approche agréable pour une si grosse ville !! Ici, nous allons tout de suite trouver un réparateur de vélo pour changer notre roulement de pédalier arrière : prestation très rapide et pas chère, on a eu de la chance !

Et puis, alors qu’on voulait s’installer et boire un petit café, nous nous heurtons pour la première fois aux restrictions covid et à l’application du pass sanitaire. Ici, il s’appelle le “green pass” (allez savoir pourquoi ils ont mis des termes anglais !), et si nous l’avons bien, nous n’avons en revanche pas le “super green pass”, qui nécessite l’injection du “booster” (ces termes sont à la fois drôles et blasant), soit la 3e dose… Nous voilà donc paria. Suite à un conseil obtenu en pharmacie, nous allons à l’hôpital central de Trieste, mais on nous y refuse le vaccin, car dans cette région, on ne vaccine pas les étrangers. Sympa l’UE ! 

Bon, on arrive quand même à manger une pizza, car on nous a indiqué un resto où ils ne sont pas très regardant. Sinon, le reste du temps, nous ne sommes acceptés dans aucun resto, bar, café, hôtel, camping, transport en commun… 

On se promène rapidement dans le centre ville avant de décamper, histoire de se trouver un coin un peu tranquille pour planter notre tente ! Nous traversons le village de Monfalcone, qui nous fait bien sûr penser à Montfaucon en Velay !

Quand nous sommes enfin dans la campagne, nous nous arrêtons devant une ferme pour demander si nous pouvons planter notre tente dans leur pré. Une dame nous ouvre, ne parle aucune autre langue que l’italien, alors on se débrouille pour se faire comprendre. Elle nous dit qu’elle doit appeler sa fille pour voir ce qu’elle en pense. Et si le ton de leur conversation téléphonique est très enjouée (va bene va bene, si si…), elle raccroche et nous dit : ma fille a dit non.

Après ce bel échec, nous roulons seulement quelques centaines de mètres, trouvons une autre ferme qui semble abandonnée, et nous y installons sans rien demander à personne.

La nuit passe au gré de petits bruits de rongeurs et d’oiseaux. Mais soulagement au réveil, aucune de nos sacoches n’a été grignotée. Nous avons une grosse journée devant nous, et prenons la route sans tarder. Nous roulons 110 km sur du plat, un peu monotone, mais dans l’idée d’arriver vers Trévise, où un hôte Warmshower nous attend. 

Peu avant notre arrivée, on fait un détour par un Décathlon, le premier depuis longtemps ! Il nous faut racheter un oreiller, le notre étant percé. On y arrive sur les rotules, et en pleine hypoglycémie. Miraculeusement, un stand de Fritelle, des gros beignets frits bien gras et sucrés nous attend devant le magasin. Nos tremblements cessent rapidement et notre moral remonte en flèche une fois cette débauche de sucre, de graisse et de nutella est engloutie. Ça va mieux !

Encore une petite dizaine de kilomètres et nous arrivons enfin chez notre warlshower du jour. Il s’agit d’un camping dans une ferme agrotouristique, qui accueille gratuitement les cyclistes. Le cadre est bien beau, on peut mettre la tente au milieu du verger, il y a une douche chaude et des tables de picnic sous un abri en bois. Par contre, comme on est en hiver, on est tout seul, et ce n’est pas tout à fait l’expérience typique de warmshower : après nous avoir montré les sanitaires, notre hôte (dont on ne se rappelle même plus le nom) rentre chez lui, on ne le reverra pas de la soirée. Il nous a même donné le code du portail pour qu’on puisse partir quand on veut le lendemain matin. On va pas se le cacher, on est un peu déçu. Mais en même temps, le principe de base du réseau warmshower, c’est bien juste d’offrir une douche chaude ! Disons qu’on a été mal habitués par toutes nos précédentes expériences.

Au réveil le lendemain matin, il fait bien bien froid, notre tente et Steven sont complètement givrés ! Nous attendons les premiers rayons de soleil avec impatience et observons nos affaires goutter.

Nous reprenons la route, traversons Trévise et roulons jusqu’à Mestre, la ville qui fait face à Venise. Au hasard d’une route, nous tombons sur un vaccinodrome. Aubaine ? On décide de tenter notre chance, et bien nous en prend, car on nous accepte directement, et nous obtenons notre précieux sésame ! Enfin… du moins, un papier attestant qu’on a eu notre 3e dose, mais il nous manque quand même le QR code. Et dans les prochains jours, on va tomber sur des resto qui ne démordront pas et ne nous accepteront pas, car nous n’avons pas de QR code à leur présenter 🤬🤬🤬

Après ça, nous atteignons enfin l’immense pont qui mène à Venise, et au bout, les nombreux parkings. Au milieu, un espace pour les vélos. C’est plutôt high tech, ce sont carrément des boxs où on enferme totalement son vélo. Ça coûte 10€ la journée, et il est  bien écrit que si un vélo s’avérait mal garé, il pourrait être enlevé par la police. Bien sûr, ce système ne marche pas pour notre tandem qui est bien trop long pour entrer dans ces boxs… Nous l’attachons donc à un poteau, ne payons pas et partons explorer la ville en misant sur le bon sens du personnel.

La météo est avec nous, il fait un temps radieux et ça fait ressortir les couleurs des bâtiments autour de nous. Il y a peu de monde dans les rues, ce qui surprend Mathieu par rapport à la visite qu’il avait déjà faite ici il y a quelques années. Parfois, on débouche sur de petites places, qui laissent presque deviner une vie de quartier : des enfants qui jouent au ballon, des vieux assis sur un banc et qui discutent… Tout au long de la journée, nous croisons de belles boulangeries et nous régalons avec les petits beignets traditionnels de la période du carnaval.

Nous arrivons sur la place Saint Marco et sommes éblouis par la beauté des bâtiments et leurs couleurs orangées par le soleil qui commence à décliner. De même, juste derrière le palais des loges, lorsqu’on débouche sur la lagune. Seule ombre au tableau ? Un énorme goéland qui a fondu sur mon goûter et est reparti avec !!!

Le soir, nous sommes hébergés à Mestre par Shira, grâce au réseau Bewelcome. Américaine, elle a été avocate et prof, et elle est maintenant en Europe pour faire un master en lien avec l’accueil des migrants. Dans un premier temps, la formation était à Montpellier, puis ici en Italie, et elle va ensuite partir en Tunisie, notamment pour apprendre l’arabe. Nous passons une super soirée en sa compagnie, autour d’un bon risotto (elle nous assure que oui, les crevettes peuvent se manger toutes entières, la tête y compris !).

La nuit en revanche est moins sympa, avec une bonne fièvre pour ma part suite au vaccin.

Le lendemain matin, nous passons encore un moment agréable avec Shira. Quelle belle rencontre ! Nous décidons de retourner pour la journée à Venise, vu qu’on a bien aimé hier. Malheureusement, le temps est beaucoup moins beau qu’hier, les couleurs sont fades, il y a beaucoup plus de monde (on ne se l’explique pas trop), et on est crevés par le vaccin !! Bref, disons qu’on aurait été frustrés de ne pas être revenus, mais on a été déçus de notre 2e visite.

On a quand même pu en profiter pour se faufiler dans la basilique Saint Marco, pendant la messe, pour apercevoir furtivement les belles mosaïques qui recouvrent ses coupoles.

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Slovénie

Slovénie – Grotte de Škocjan

Le lendemain, on retrouve notre tandem tel quel, car ils n’avaient pas de roulement adapté pour remplacer notre pièce défaillante. Dommage, car la journée est déjà bien avancée, contrairement à nous ! C’est pas grave, on fonce dans la montée qui nous mène jusqu’à la frontière slovène, qu’on passe sans encombre, sans vérification de document covid. Pas loin après, on arrive à Ilistra Bistrica, petite ville, mais dotée d’un magasin de vélo. Nous y tentons notre chance à nouveau, mais sans succès, on nous indique qu’il faut soit aller à Ljublijana la capitale, soit à Trieste en Italie.

Nous en profitons pour demander au gérant du magasin s’il a un endroit à nous conseiller pour dormir, et le voilà qui téléphone à un ami – Franjo ! Oui car nous, sur la météo qu’on regarde, il est annoncé “seulement” -1°, mais lui nous dit que la nuit va plutôt tourner entre -5 à -6° ! 

Ni une ni deux, nous voilà de nouveau sur nos selles pour quelques petits kilomètres jusqu’à Prem, deux gros chiens de berger énormes nous accueillent. Nous sommes face à un magnifique manoir, un étang et un puits devant, un cadre enchanteur. Nous faisons le tour et finissons par trouver Franjo : il fait des travaux debout, sur une chaise, sur une table, sur une mezzanine sans garde-corps 😱 (ça me rappelle les exemples de situation dangereuse présentés lors des formations SST).

Nous faisons connaissance avec lui, et il nous invite à boire un petit Jägermeister maison. 

Nous sommes ébahis devant l’immense cuisine – seule pièce où nous sommes entrés pour le moment. Il nous raconte que souvent le week-end, ils se retrouvent en famille ici et cuisinent de la viande, du gibier dans cette énorme cheminée.

Derrière ce manoir, Franjo nous montre la grange où nous allons pouvoir nous installer à l’étage, directement dans le foin. C’est à l’air libre, mais nous y serons à l’abri du vent. En-dessous de nous, les moutons qu’il vient de rentrer. On leur donne du foin au-travers de trappes communicantes entre les deux étages. Comme la température a déjà bien baissé, il nous propose de cuisiner dans sa cuisine. Nous voilà donc avec notre minuscule réchaud, sous la gigantesque cheminée. C’est cocasse ! Dans tous les cas, on est ravi, car au chand (il fait 12° ^^), et on redoute le moment où on va ressortir dans le froid. On en vient même à se dire qu’on va lui demander si on ne peut pas s’installer ici, dans sa cuisine !

Mais finalement, pas besoin, car quand Franjo nous rejoint après avoir fini sa journée de travaux, et avant de quitter le manoir pour retourner chez lui, il nous dit : “j’ai confiance en vous, si vous voulez, vous pouvez dormir dans la pièce à côté, le poêle a chauffé toute la journée, vous y serez mieux. Trop cool !!! Petit coup d’œil au thermomètre : 18°. Génial !

Le lendemain matin, nous nous réveillons contre le poêle. Franjo est de retour et nous offre le café, puis nous fait visiter le manoir. Il nous explique qu’il l’a acheté avec sa femme en 1994 quand il avait 30 ans, nous raconte avec malice comment il a réussi à obtenir son prêt bancaire la veille de la date limite, comment les voisins n’en revenait pas qu’ils aient acheté cette vieille ruine… Les pièces du bas sont superbes, à la fois rustiques et chaleureuses. A l’étage, il est en train de créer deux appartements, qu’il espère terminer d’ici l’été pour la saison touristique. C’est un travail de titan, pour lequel il a dédié toute sa vie, et on sent tous les sacrifices qu’il a dû faire pour ça.

Il va ensuite chercher les œufs dans son poulailler, et nous faisons une bonne omelette pour tous les trois. 

Cette rencontre nous a beaucoup touché, et nous sommes émus en repartant. Qui sait, peut-être qu’un jour, nous y reviendrons loger en tant que clients 🙂

Mais pour l’instant, il nous faut foncer, car nous devons être à 13h à la grotte de Škocjan, pour la seule visite guidée de la journée. Nous avalons les 25 km qui nous en séparent et arrivons à 12h55. Fiou ! 

Nous avons le privilège de n’être que 4 pour la visite guidée, et apprécions la grandeur de ce gouffre karstique, qui descend jusqu’à 220 m de profondeur. Nous débouchons dans une salle monumentale (volume de 2 millions de m3, 150 m de hauteur et 120 m de large), avec la rivière 160 m plus bas que nous, mince filet d’eau qui fait déjà un boucan d’enfer. Difficile d’imaginer le bruit que ça fait lorsqu’il y a un peu plus d’eau. En moyenne, le débit du cours d’eau est de 9 m3/s, mais il a déjà pu atteindre par le passé 380 m3/s ! On peut voir par endroits les sédiments laissés lors des précédentes inondations… Lors d’un fort épisode, la rivière a déjà rempli la totalité de la cavité !

A l’intérieur, il est interdit de prendre des photos, rendez-vous donc ici ou encore ici pour voir les clichés officiels.

Pour plus d’informations sur les grottes, c’est ici (en français).

Pour une visite en 3D, c’est ici.

Après cette visite, nous nous arrêtons dans le village suivant, Divaca, pour faire quelques courses. Le magasin est à côté d’un boulodrome, où sont affairés une dizaine de petits vieux, les boules dans une main, le verre de blanc dans l’autre. A notre passage, ils nous font de grands coucous. J’ai un bon pressentiment, et nous allons donc papoter avec eux. Enfin, surtout avec l’un d’eux, le seul qui parle anglais. Il nous explique qu’ils jouent à la Bocce (nous, à part la taille des boules – celles-ci sont plus grosses – on a du mal à voir la différence avec la pétanque !), et qu’ils sont là tous les jours à 14h !

Puis, il nous pose des questions sur notre voyage, et on en profite pour lui demander s’il ne connaîtrait pas un endroit abrité où on pourrait s’installer. Sa réponse ? Il y a ici un hôtel, 70€ la nuit je crois. Bien sûr, on lui explique que c’est beaucoup trop cher pour nous. Alors finalement, après quelques minutes d’observation du match en cours, il nous dit : OK, venez chez moi, j’appelle ma femme elle vous fait un lit ! Super ! C’est donc reparti pour une tournée de vin blanc (maison), et une partie pour Mathieu !

Après ça, nous arrivons donc chez lui, Mirjan, et sa femme Sonja. Ils habitent une très grande maison, et le rez-de-chaussée est en fait constitué de plusieurs chambres qu’ils louent l’été en airbnb. Il y a une cuisine commune où nous pouvons nous faire à manger. Ils nous apportent un apéro, de la tisane, des biscuits, nous laissent du pain et des œufs, puis remontent à l’étage.  Sonja et Mirjan nous reçoivent comme des clients, c’est super gentil mais déroutant !

Au petit matin, ils nous offrent à nouveau des œufs, du pain et du beurre, dont nous nous régalons. Nous sommes prêts pour la journée qui s’annonce, nous séparons d’eux non sans les avoir bien remerciés, et roulons vers la frontière italienne, à moins de 10 km de là.

Notre passage en Slovénie aura été très bref (il caille sévère là-bas !), mais les rencontres faites chaque jour nous auront bien marqué.

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Croatie

Derniers jours en Croatie

Après nous être bien reposé à Senj, nous repartons, et croisons très vite le 45e parallèle ! C’est fou de se dire qu’on est quasiment à la latitude de Montfaucon et Grenoble !!

Pour changer un peu, nous quittons la côte et passons derrière la première barrière de montagnes. Nous traversons de jolis villages, l’ambiance est tout de suite plus décontractée que sur la côte.

La journée passe tranquillement et nous atteignons finalement la forteresse de Drivenik (dont la première mention écrite remonte à 1228), qui nous semble être un bon endroit pour camper ! Nous sommes au sommet d’un promontoire rocheux et avons une belle vue sur la vallée, nous voilà bien installés pour la soirée ! Et pour parfaire le tableau, l’une des tours de la forteresse est accessible, et nous décidons de mettre notre tente en plein milieu. Avec ses murs de 4 m d’épaisseur, nous serons pour sûr à l’abri du vent !

Au petit matin, nous nous réveillons en forme, nous avons bien dormi, et nous avons même entendu des loups !! Nous quittons notre abri de fortune et roulons sous un ciel très menaçant. En fin de matinée, nous tombons sur un couple de cyclistes, français bien sûr. Voilà Laurine et Maël, en route vers le Népal, et qui sont partis de … Sainte Sigolène !! A deux pas de chez les parents de Mathieu ! Sacrée coïncidence !

Nous atteignons peu après la ville de Rijeka, grand port croate, sous une pluie battante. Ni une ni deux, nous nous abritons dans un bistrot rempli d’ouvriers, et mangeons un délicieux poisson grillé. Quel plaisir !!!

Entre-temps, la pluie s’est arrêtée (nous avons décidément beaucoup de chance), et nous partons nous promener dans la ville.

Nous avons remarqué un petit souci sur notre cher Steven : le pédalier arrière a beaucoup de jeu, et, si nous ne savons pas depuis quand c’est comme ça, ça ne nous semble pas normal !! Nous profitons donc de notre pause dans la ville pour aller voir un magasin de vélo, qui garde notre monture et nous dit de repasser le lendemain midi pour le récupérer.

Sauf que le lendemain, on retrouve notre tandem tel quel, car ils n’avaient pas de roulement adapté pour remplacer notre pièce défaillante. Dommage, car la journée est déjà bien avancée, contrairement à nous !

C’est pas grave, on fonce dans la montée qui nous mène jusqu’à la frontière slovène, qu’on passe sans encombre, sans vérification de document covid.

Cette petite pause matinale nous aura permis de voir la ville de Rijeka sous le soleil, contrairement à la veille !

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Croatie

Sur l’île de Pag !

On part de la petite église derrière laquelle nous avons dormi. Ce matin, il fait plutôt doux (5°c), nous sommes prêts à découvrir l’île de Pag. Cette île, longue de 80 km s’étale le long des côtes Croates et est réputée pour ses moutons, son fromage et ses paysages lunaires. 

On roule et on se prend un petit café au passage, dehors, un homme attablé avec son gros chien et des bières (à 9h) ne dit pas un mot, on en rigole et on se dit que c’est pas super bon signe pour lui… Et en repartant, voilà qu’il nous salue en…. Français !! (heureusement qu’on a pas parlé trop fort !!)

Plus loin sur la côte on atteint un grand pont en béton marquant le début de l’île, sous un soleil épatant ! On est accueilli à l’extrémité de l’île par les vestiges d’une superbe forteresse. Tout au long de notre trajet, on y observe une belle nature plutôt préservée, une belle forêt de chênes s’étalant sur le rivage. c’est superbe ! Les reliefs sont particulièrement présents, ce n’est jamais plat !! 

On arrive face à un plateau où on peut apercevoir au loin Pag ( la ville !) ! Mais qui dit plateau dit… vent de face et un véritable calvaire commence… On arrive enfin dans ce petit village suant et les jambes tremblantes. Une usine de fromage se dresse devant nous, impossible de la visiter (à cause du Covid…), on se contentera donc d’acheter du fromage local (que l’on ne peut même pas goûter… que de frustration !)

C’est parti pour le repas pain + fromage si bien mérité ! Ce fromage, que nous avons pris vieilli , est plutôt salé, très dur et a un goût de parmesan… Comme nous sommes affamés, il nous semble plutôt bon quand même ! Et puis ça fait longtemps qu’on a pas mangé un fromage avec du goût ! Le village est mort, nous sommes les deux seuls sur la place centrale. 

On repart donc, et on se retrouve sur de petits chemins côtiers, un régal ! 

On se rend compte que la journée passe vite et qu’il faut qu’on trouve de l’eau. Nous sommes au milieu d’un désert humain, alors quand une maison se dresse sur notre route, toute minuscule qu’elle soit, on s’arrête et on frappe. On entend un grognement mais la porte reste close. On refrappe ! Un homme patibulaire sort face à nous en tee shirt et caleçon (je crois) et nous semble peu accueillant… Il nous dit qu’il n’a pas d’eau et on se sent soulagé quand on referme le portail de son jardin !

On roule, on roule et une station service nous sauve ! Nous sommes donc parés pour la soirée.

On trouve un endroit pour bivouaquer le long d’une plage et après moultes tergiversations, on dresse la tente a côté de l’eau. Vers 22h, le vent se lève et la tente tremble de toutes parts… On « déménage » donc au plus vite sous la terrasse d’une maison inhabitée. On peut enfin dormir tranquille!!

29/01

La journée commence tôt ! Et superbe levé de soleil !

On remballe tout et on regarde l’itinéraire! 65 km et environ 1000m positif, une bonne journée vélo !

Mathilde est toute contente car on rencontre pleins de moutons et d’ânes ! Et en plus c’est dans la montée donc on peut s’arrêter pour souffler !

Vient le col, c’est magnifique!!

Puis la descente, lunaire !! Superbe ! Du haut de la colline, on voit que le ferry que nous devons prendre procède déjà à l’embarquement …. On met les bouchées doubles !!

Et lorsqu’on embarque, le ferry lève l’ancre ! (On a eu très chaud !!)

On débarque sur la terre ferme, déjà presque 300m de montée et on a rien mangé ! Et on se rend compte qu’il n’y a rien sur les 30 prochains kms!!

On est bien physiquement et on avale à nouveau 300m positifs de montée à 8 % (en zigzag ou serpentins !). C’est vraiment magnifique !

Malgré quelques voitures sur la route, aucune trace de maison à l’horizon et encore moins de supérette… On se demande comment font les voitures pour le carburant et comment trouver quelques calories joules à mettre dans nos jambes et… miracle ! Un panneau essence apparaît sur la route ! Vous voulez du gazole ou du sans plomb ? Nous demande un local en rigolant ! Tous les locaux semblent se retrouver au niveau de la station service pour partager quelques bières semble-t-il ! La station service semble être LE lieu de vie locale ! 

On se contente d’un bon coca et de chocolat, on est refait !! Et on repart, plus que 20km !

On admire les paysages magnifiques le reste de la journée, et on arrive tôt a notre chambre que nous avons réservé (la moins chère du secteur). Le proprio nous présente un véritable appartement avec une cuisine, une superbe terrasse et même… une machine a laver ! Génial, on est presque chez nous et on va pouvoir trier les photos pour vous rédiger un bel article, chers lecteurs 😉

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Croatie

Ile de Pasman et Zadar

Alors qu’il fait presque nuit, nous longeons la côte et trouvons un tout petit espace entre une villa-hôtel fermée et la plage, où nous installons notre campement. Et bingo, de ce côté de l’île, nous sommes totalement à l’abri du vent !

Malheureusement, ça ne fait pas tout, et des bruits de bateaux nous empêchent de bien nous reposer à partir de 4h30. Derrière notre toile de tente, on a parfois l’impression qu’ils s’approchent bien près de nous, et on craint de se faire déloger, alors qu’en réalité, ils doivent être assez éloignés de nous et sont probablement des pêcheurs, mais le vent porte leur bruit à nos oreilles aux aguets.

Nous nous levons en même temps que le soleil, pour découvrir un très beau panorama avec de la brume en suspension au-dessus de la mer. Nous sommes contents de pouvoir en profiter, car le ciel se couvre très peu de temps après, et nous masquera le soleil toute la journée !

En repartant, nous nous arrêtons de nouveau prendre un café au même bar que la veille, et une dame nous interpelle : “je vous ai vus repartir ce matin, j’habite juste à côté. Si j’avais su que vous étiez là, je vous aurais apporté le café !” Les étoiles ne peuvent pas être systématiquement alignées ^^

Aujourd’hui, nous parcourons l’île de Pasman, toute en longueur, parallèle à la côte croate. On y est quand même bien mieux que sur les routes moches et passantes d’hier !

Nous rencontrons deux curieux véhicules : un bibliobus croate, qui me fait penser à ma maman, et deux camions de l’entreprise « The Shit Company » , décoré d’émojis et dessins très parlants !

A l’autre extrémité de l’île, on reprend un bateau pour revenir sur le continent, et nous voici directement à Zadar !! Comme ça, on a même pu s’éviter l’approche fastidieuse de cette grande ville 🙂

Nous nous y promenons l’après-midi, et découvrons son attraction phare : l’orgue marine ! C’est l’architecte Nikola Bašić qui en est à l’origine. Un escalier en marbre descend dans la mer, sur une soixantaine de mètres de longueur. Et dans les marches, 35 tubes en inox ont été installés. C’est tout bête, ensuite, quand une vague percute l’escalier, elle s’engouffre dans les tuyaux et en chasse l’air, produisant ainsi des sons (des accords de 5 notes, l’orgue aurait été accordé par un spécialiste !). Le bruit est plus ou moins fort et dépend de l’intensité des vagues et du vent. Dans tous les cas, la musique est produite 24h sur 24.

Vu qu’on entend rien sur la vidéo qu’on a fait nous-mêmes, voilà plutôt une vidéo prise sur internet pour découvrir cette curiosité construite en 2005 !

Pour le reste, la ville de Zadar ne nous fait pas plus frémir que ça, on peine tout ce qu’on peut à trouver un resto, même pas une pizzeria à l’horizon, alors on rentre à notre auberge pour se cuisiner un truc.

Nous quittons la ville le lendemain matin, et longeons la côte sur de petites routes sympathiques. Le soleil n’est toujours pas au rendez-vous, mais on apprécie quand même le paysage. On se projette déjà sur l’île de Pag, quand tout à coup … Ting !! Le fameux bruit de rayon qui casse. C’est le retour de la mauvaise humeur, et surtout, le demi-tour pour revenir à Zadar, car il n’y a pas de magasin de vélo ouvert sur notre route avant 250 km ! Zut de zut, il nous faut refaire 20 km, et retrouver cette ville sans coup de cœur ! Et pour continuer dans l’ambiance morose, le premier magasin où on se rend ne souhaite pas nous aider à réparer. Youpi !

Bref, après ce raté, nous repartons à nouveau, mais cette fois, par la grosse route toute droite, c’est fini pour l’itinéraire touristique ! Nous roulons jusqu’à Nin, qui est la première ville royale de Croatie, son premier centre culturel, religieux et politique, un grand port du pays. De nos jours, il ne reste plus grand chose, et s’il y a bien quelques petits monuments historiques, et un accès à la vieille ville par un petit pont bien charmant, on comprend que c’est aujourd’hui une place très touristique pour ses plages, et donc déserte à cette période de l’année.

Un peu plus loin, au détour d’une rue, une femme nous fait coucou. En passant, je me rends compte qu’elle a une voiture immatriculée 75 : « vous êtes française ?? » Dans notre tête naît doucement l’idée que c’est peut être ici qu’on va passer la nuit…

Nous entamons une discussion, rapidement abrégée car elle doit partir. En revanche, elle hèle son mari resté devant son ordi à l’intérieur de la maison : « m’enfin, tu vas bien sortir un peu, ya des français, sers leur un coup à boire ! » Et elle nous laisse là.

Voilà donc un monsieur qui sort de la maison en grommelant. Il ne nous invite pas à entrer et préfère qu’on reste sur la terrasse (il fait quand même bien froid, le ciel est tout gris), et nous passe du jus de fruit par la fenêtre ! Bon et puis finalement, il se déride un peu, et nous raconte qu’il est franco-croate et a vécu toute sa vie à Paris, avant de venir ici pour la retraite, choix qu’il ne regrette absolument pas.

Le temps passe et le jour commence à décliner, mais pas d’invitation à dormir. Pas grave, nous repartons et roulons juste de quoi nous écarter un peu des habitations. Nous avons repéré une route en cul-de-sac pas loin de la mer, et nous y engageons. Au bord de la route, une petite église et derrière, une cour, où nous nous installons pour la nuit.

Il y a quand même quelques voitures qui passent (probablement des pêcheurs revenant de la mer ?) et ralentissent en voyant nos lumières, mais personne ne s’arrête et nous ne recevons pas la visite de la police. Chouette !

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Croatie

Imotski, Split et Sibenik

Nous quittons Mostar le lendemain matin, et reprenons la direction de la Croatie. Encore pas mal de dénivelé, puisqu’une chaîne de montagne nous sépare de la côte.

Nous nous appliquons à dépenser toute notre monnaie locale avant la frontière, à coup de viennoiseries, gâteaux, cafés, …

Juste après être rentrés en Croatie, nous arrivons à la petite ville d’Imotski, perchée dans la montagne. On est à la fin de l’après-midi, on a pas vraiment de plan pour dormir ce soir, alors on va s’attabler à un café et voir ce qu’il adviendra. Eh bien ce jour-là, pas grand chose ! Alors avant que la nuit tombe, nous repartons et allons voir le lac bleu d’Imotski, dans l’espoir d’y mettre notre tente.

Bon, c’est un lac dans un gouffre karstique, donc pour s’installer à son rivage, on repassera ! En revanche, il y a une grotte dans la falaise qui le surplombe, et elle nous semble un bon compromis. On y sera à l’abri du vent, qui s’est levé, et un peu protégés du froid également ! Ce n’est certes pas d’une propreté sans faille, mais ça fera notre affaire pour ce soir ! Nous voilà donc hommes des cavernes pour un soir !

Nous nous réveillons tôt le lendemain matin, mais nous avons bien dormi. Il fait toujours bien froid, alors nous allons nous réchauffer au café du village. Quel étonnement, nous sommes samedi matin, même pas 9h, et le café est déjà bondé, avec pleins de jeunes ! Ça semble bien vivant par ici. 

On reprend la route, avec un arrêt juste à côté d’ici, au lac rouge cette fois. Comme la veille, il s’agit d’un lac dans un gouffre, formé à la suite de l’effondrement du toit d’une cavité karstique.

Ces deux lacs tiennent leurs couleurs, pour le premier, du reflet du ciel à sa surface, pour le second du reflet des falaises ocre et rouge tout autour (absolument pas explicite quand on voit la couleur de l’eau sur nos photos 😅).

C’est ici pour en savoir plus sur le lac rouge et sur le lac bleu.

Une des légendes autour de ces deux lacs :

« Il y a de nombreuses années, un homme très riche nommé Gavan et son épouse Gavanica et leurs enfants vivaient dans la région d’Imotski. Si Gavan avait l’apparence d’un homme, son âme était diabolique. Il maltraitait ses servants, les habitants de la ville, son unique hobby étant d’accumuler les richesses.

Afin de se convaincre de l’arrogance de Gavan, un ange descendit vers ses châteaux, déguisé en médiant qui demandait l’aumône. C’est Gavanica, l’épouse, qui lui ouvrit la porte et refusa de lui donner de l’eau et de la nourriture. À la question de l’ange lui demandant si elle craignait la punition divine, l’arrogante femme fortunée lui répondit d’un ton désagréable : Je n’ai rien à faire de ton Dieu, tant que j’ai mon Gavan !

À cet instant, l’ange jeta ses habits déchirés et s’empara d’une épée en flammes. Le ciel grondait et les éclairs s’abattaient sur la ville. La terre s’ouvra à force de tremblements, les Gavani et toute leur richesse étant engloutis dans des trous profonds à l’endroit des lacs rouge et bleu actuels. »

Nous enchaînons ensuite les kilomètres, pas mal de dénivelé encore aujourd’hui, et aussi de nombreux lacs karstiques (mais moins impressionnants que ceux d’Imotski !). Nous longeons un beau canyon, et finissons par déboucher sur le village d’Omis, en bord de mer.

Si on se réjouit d’avoir enfin retrouvé la côte, il nous reste encore 20 km avant d’atteindre Split, et on est bien fatigué. Pour couronner le tout, petite hypoglycémie, de quoi titiller nos nerfs à vif. Bref, la fin de journée est bien bien difficile, et on s’écroule en arrivant. Ça tombe bien, on a trouvé un appart grand luxe dans une très belle maison, avec canapé, cuisine et machine à laver, pour une poignée d’euros.

Ce soir, on tombe de sommeil.

Le lendemain, une fois requinqués, nous partons à la découverte de la ville de Split. Dans la ville fortifiée, nous pouvons jeter un rapide coup d’œil à la cathédrale car c’est la messe (ça semble beau, mais il faut payer cher pour y entrer en-dehors des offices, donc tant pis !). La promenade dans l’enceinte des remparts est sympathique, tout autant que celle en bord de mer. Partout des cafés, et partout, du monde !! Voilà enfin une ville vivante, quel plaisir de voir le beau temps, et tous ces gens qui profitent du soleil en terrasse, alors même qu’il n’est que tôt le dimanche matin !

Nous continuons de nous promener dans cette ville, qui sera notre préférée parmi celles qu’on visitera en Croatie.

Le soir, crêpes party à l’appart, miam miam !

Nous quittons le lendemain ce bel appartement et la ville de Split. Enfin, on essaie, car elle s’étale sur de longs kilomètres dans une grande zone portuaire industrielle. Pas un littoral côtier très glamour mais bon ^^ Peu à peu la vue se dégage et nous pouvons profiter du paysage, du soleil … et du satané vent de face !

On fait une pause le midi à Trogir, autre ville côtière fortifiée, et puis on poursuit notre chemin. En fin de journée, nous rencontrons Leo, un suisse de 65 ans qui roule dans la même direction que nous (le seul qu’on ait croisé dans notre sens !!), et cinq minutes après, un couple argentin, Carla et Leo (lui aussi !), et leur chien Piri. Ils sont très enjoués, très sympa, et on regrette de ne pas pouvoir passer plus de temps avec eux. En revanche, nous roulons avec Leo.

Sacré personnage… Il nous a raconté son périple étape par étape, ville par ville, jour par jour… Autant dire que l’histoire est longue, puisqu’il a traversé l’Italie du nord vers le sud, a rejoint l’Albanie, et est sur le chemin du retour vers le nord. La plupart du temps, il frappe aux portes des églises et presbytères, et se fait héberger et nourrir par les curés. Nous apprenons qu’il n’a ni femme ni enfants, d’où la relation très forte qu’il a développé avec l’église (ce sont ses mots). En effet, il essaie d’assister à la messe tous les jours !!!

Comme nous avons un toit pour dormir ce soir, nous lui proposons de se joindre à nous et de dormir sur le canapé de la chambre qu’on a trouvé. Ce qu’il accepte avec plaisir. C’est ainsi qu’on se retrouve tous les trois dans la petite chambre, le soir. Leo profite du wifi pour passer de nombreux coups de fils (et systématiquement il répète inlassablement toutes les villes où il est passé, jour par jour, église par église…). Comme il n’a pas l’air d’avoir à manger, ni d’être disposé à y remédier (l’habitude de se faire nourrir par les curés ?), nous partons faire quelques courses. Lui est toujours au téléphone, mais il nous lance quand même : n’oubliez pas le pain, c’est très important le pain !

A notre retour, c’est également Mathieu et moi qui cuisinons, et pendant le repas, Leo nous répète à nouveau, au moins trois fois son périple. De mon côté, je suis patiente et me dis qu’il doit avoir un début d’Alzeihmer ou autre truc du genre. De son côté, Mathieu piaffe et s’énerve qu’aucune discussion ne soit possible, puisque Leo ne semble nullement intéressé de savoir ce que nous, nous avons fait.

Bon bon, après le repas, on s’empresse de dire qu’on est fatigué, histoire de couper court à tout ça.

Au réveil le lendemain matin, ma patience s’est évaporée. Leo, qui ne s’est pas préoccupé de préparer le petit dèj s’enquiert : “is coffee ready ?”.  Haaaaaaaa !! “I don’t know, do you have coffee ?” Bien sûr, il n’en a pas, donc nous lui en fournissons. “Do you have sugar?” Aie aie aie, de bon matin, dur de rester diplomatique. Mais ça n’a pas l’air de le froisser plus que ça, comme il sait que nous visons Zadar, il propose que nous fassions la route ensemble. Alors vite vite, on essaie de se trouver un échappatoire : on repère des chutes d’eau un peu à l’est, ce qui fait faire un détour avant de rejoindre Zadar, et on lui dit que finalement, nous irons ici aujourd’hui.

Le temps de se brosser les dents, voilà Leo qui revient : “j’ai étudié la carte, alors les chutes d’eau sont par là, donc d’ici ça fait 60 km, et donc ensuite on pourrait passer par là …” Alerte !!! On finit par lui dire qu’avec notre tandem, on roule très vite et qu’on ne va donc pas faire la route. Nous nous séparons donc dès que nous avons rejoint un axe principal. Fiou !!!

Nous nous arrêtons à la ville de Sibenik pour nous y promener, non sans jeter parfois un coup d’œil par-dessus notre épaule, car on sait que c’est ici, à l’église principale, qu’il comptait dormir la veille ! Cette église est d’ailleurs très belle, surtout de l’extérieur. De nombreuses têtes sculptées forment une frise tout autour du bâtiment. On s’élève ensuite un peu pour apprécier une vue plus globale, et le seul point de vue gratuit, c’est au cimetière. Nous y slalomons entre d’énormes caveaux.

Puis, on repart, le long d’une route peu passionnante et plutôt passante. C’est un peu fastidieux, mais au moins, on enchaîne les kilomètres. Nous rencontrons à nouveau deux français, Pierre et Louis, qui viennent de finir leurs études et partent en vélo avant de travailler. Ils nous disent qu’ils ont croisé Leo, et qu’il est loin devant nous. Ouf ! Notre soulagement les étonne un peu mais bon… ils n’ont pas passé la soirée avec lui ^^ Ils sont partis de Nice il y a seulement 15 jours ! Certes, ils ont roulé vite et longtemps, mais ça nous fait un petit coup de savoir que ça y est, la France est toute proche !

Nous arrivons ensuite à la ville de Biograd Na Moru, d’où part un ferry pour l’île de Pasman. Nous sommes en pleine hésitation : la route de ce côté-ci est inintéressante, mais celle sur l’île sera-t-elle meilleure ? Il y a un vent à décorner les bœufs, sera-t-on mieux ici ou en face pour planter la tente, l’île ne sera-t-elle pas plus ventée ? Le ferry part à 16h40, et arrive à 17h, heure du coucher de soleil. Aura-t-on le temps de trouver un endroit où dormir avant la nuit noire ? Après de longues hésitations, et l’heure du ferry se rapprochant de plus en plus, nous décidons finalement de le prendre, et puis on verra bien une fois sur l’île !

Là-bas, nous allons dans un premier temps au café du village Tkon, dans l’espoir que quelqu’un nous invite. Bon, ça n’est pas très fructifiant, en revanche, la serveuse nous indique une direction à suivre pour trouver un endroit tranquille. Et en effet, alors qu’il fait presque nuit, nous longeons la côte et trouvons un tout petit espace entre une villa-hôtel fermée et la plage, où nous installons notre campement. Et bingo, de ce côté de l’île, nous sommes totalement à l’abri du vent !

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Bosnie Herzégovine

Mostar

Nous roulons les derniers kilomètres qui nous séparent de Mostar, au début le long de la rivière Neretva. Nous tombons nez à nez avec un énorme viaduc en construction, faisant partie des nouvelles routes de la soie, que la Chine est en train de construire notamment en Europe. Le but est ici de rapprocher la Chine de l’Europe occidentale. Multiples banques chinoises et entreprises de BTP chinoises (que l’on rencontre sur la route) s’activent dans ce projet pharaonique.

« Tout a-t-il commencé par le rachat du port du Pirée, quand la crise ravageait la Grèce ? Depuis 2009, la Chine n’a pas arrêté d’avancer ses pions dans les Balkans, en toute opacité. Tour d’horizon, de l’Albanie à la Bosnie-Herzégovine, en passant par la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie, le terrain de jeu favori de Pékin. »

https://www.courrierdesbalkans.fr/la-longue-marche-de-la-chine-vers-les-balkans

Les travaux sont impressionnants par leur ampleur, et témoignent des ambitions stratégiques de la Chine pour les prochaines décennies.

A l’arrivée dans l’agglomération de Mostar, nous passons devant une usine de production de lingots d’aluminium. Nous avons beau scruter les alentours, nous ne voyons pas où se trouve la mine, et pourtant, elle doit bien être dans le coin. Au plus on se rapproche, au plus la circulation est dense et stressante. Il y a même une imbécile qui frotte son rétro à notre guidon et comble du comble, se permet de nous engueuler !! De quoi nous mettre en méga rogne. Heureusement, on est arrivé au centre ville et on s’arrête prendre un café pour se remettre de nos émotions. La température chute rapidement, et nous rejoignons la chambre que nous avons réservée. Après un repos bien mérité, nous repartons à pied nous balader dans la ville. Le centre historique, classé à l’Unesco, est super beau, les rues sont entièrement pavées de galets polis par les nombreux marcheurs. Au-dessus de la rivière Neretva, le magnifique pont courbé relie les deux rives de la ville (le pont est tout neuf, car il a été détruit pendant la guerre en 1993). D’un côté, ce sont les bosniaques qui sont majoritaires, de l’autre, les croates. Il semblerait qu’il reste des tensions de nos jours, plus ou moins fortes selon les périodes, notamment exacerbées lors de la construction de nouveaux édifices religieux (hauteur de clocher, installation d’une croix sur la montagne, …).

C’est vraiment très beau, mais encore une fois, il n’y a pas un chat dans les rues, et on sent bien qu’ici, c’est le royaume des touristes, absents en cette saison. Aujourd’hui, Mostar est la plus grande ville touristique de Bosnie. Elle fut aussi une ville frontière de l’empire ottoman, et on y retrouve encore quelques maisons à l’architecture typique.

Après une bonne bière locale, on peine à trouver un resto ouvert, et on finit par manger une bonne pizza.

Le lendemain, c’est parti pour visiter la ville ! Mais notre enthousiasme est douché par la pluie qui s’abat sur nous. Quel dommage !!! Nous n’allons pas pouvoir faire de belles photos du centre ville tout mignon ! Et malheureusement, tout est fermé ici entre novembre et avril, donc pas de musées ! Il y avait aussi une mosquée où on pouvait monter en haut du minaret, fermée. Quelle frustration ! 

Nous marchons donc beaucoup dans la ville, ouvrons grand nos yeux sur la diversité des bâtiments : certains vestiges de l’ère soviétique, de nombreuses ruines laissées telles quelles au milieu des ruelles passantes, avec un grillage et des panonceaux “ruines, danger”, des murs criblés d’impacts de balles, …

Nous mangeons le midi dans un tout petit bouiboui local qui fait des boulettes de viande dans un pain kebab. Puis nous nous éloignons un peu du centre et arrivons devant l’église catholique Saint Pierre et Saint Paul. Elle est immense et a été reconstruite après la dernière guerre. Malheureusement elle est fermée, dommage car on était bien curieux de voir l’intérieur (et finalement, on aura pu visiter aucune église en Bosnie !). Par contre, son clocher, juste à côté, culmine à 107 m de hauteur et est le plus haut du pays. Et lui, il est ouvert et on peut grimper au sommet, ce qu’on s’empresse de faire. Bon au final, tout en haut il n’y a que quelques fenêtres étroites pour voir la vue, et on est un peu éloigné du centre, donc ce n’est pas si terrible que ça. Tant pis, pas de regret de ce côté-là.

On finit notre visite de la ville par un crochet au cimetière des partisans. Là encore, nous voilà bien démunis à notre arrivée : rien ne l’indique, aucun panneau ne l’explique. Nous sommes dans une espèce de grand parc en friche, avec des espèces de structures en béton tout abimé. Plus on monte, plus on voit des petites stèles par terre. Tout cela reste bien mystérieux pour nous sur le moment. A notre retour, une petite recherche sur internet s’impose !

“Although this cemetery is sadly neglected and badly vandalised, fans of 20th-century socialist architecture should seek out this magnificent memorial complex, designed by leading Yugoslav-era architect Bogdan Bogdanović and completed in 1965. Paths wind up past a broken bridge, a no-longer-functioning water feature and cosmological symbols to an almost Gaudi-esque upper section made of curved and fluted concrete, which contains the graves of 810 Mostar partisans who died fighting fascism during WWII.”

Nous restons une 2e et dernière nuit à Mostar. Pour la suite du voyage, on serait très tenté de continuer un peu en Bosnie, notamment de pousser jusqu’à Sarajevo la capitale. Mais cela implique de gros dénivelés… Au final, un rapide coup d’œil à la météo nous convainc en deux secondes : à Sarajevo, la température maximale, pour les 15 jours à venir, ne dépasse pas les -13°. Okok, il ne nous en fallait pas tant ! Ce sera donc retour direct en Croatie, du côté de la côte, histoire de regagner quelques précieux degrés !

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Bosnie Herzégovine

Ciro train et chutes de Kravica

Le lendemain, nous quittons Dubrovnik, et gravissons la côte qui nous sépare de la frontière avec la Bosnie Herzégovine. Nous la traversons sans encombre ; encore une fois, ils ne sont pas très regardants et ne vérifient aucun papier lié au covid.

Juste après la frontière, on bifurque pour prendre une toute petite route, elle suit le tracé du Ciro train, le fameux train dont parlait Marko ! Construit sous l’empire austro-hongrois, qui contrôlait la région entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, cette ligne faisait partie d’un réseau dont l’objectif premier était militaire et permettait de relier la cote adriatique aux villes d’Europe centrale.

Premières maisons croisées, premières ruines et premiers murs criblés d’impacts de balles. Ça donne le ton ! On était prévenu, mais le voir sous nos yeux, c’est autre chose.

Toute la journée, nous croisons très régulièrement les bâtiments abandonnés des anciennes gares et locaux techniques. Autour, les restes de villages, mais toujours, il n’y a pas âme qui vive par ici. C’est une impression assez étrange. Certains bâtiments sont bien abîmés, d’autres moins. Parfois lorsqu’on glisse un oeil par la serrure, on voit derrière un intérieur meublé, certes un peu défraichi, mais où on pourrait très bien imaginer quelqu’un vivre aujourd’hui. Tout semble avoir été laissé tel quel, lorsque le dernier habitant a quitté les lieux.

Un peu plus loin sur la route, nous voilà confrontés aux panneaux “danger de mort, zone minée”. Ça aussi on était prévenu, mais pareil, ça fait froid dans le dos de longer ces panneaux disposés presque tous les 10 m.

En effet, en Bosnie (comme d’ailleurs dans quelques autres pays des Balkans), le déminage suite à la dernière guerre n’est pas terminé. Dans les zones concernées, on trouve donc ces panneaux (et on nous a bien dit, même pour faire pipi, de ne pas mettre un pied en-dehors du chemin), et une application sur téléphone existe pour repérer les endroits à éviter (notamment ça vibre dans la poche quand on s’approche près d’une zone minée).

Le travail de déminage est toujours en cours, et entre 1996 et 2000, ce sont 69 202 mines anti-personnel, 8 554 mines anti-tank et 61 456 ERW (Explosive Remnants of War) qui ont été trouvées et détruites. Il resterait un peu moins de 1000 km² de surface minée sur le territoire (dont la surface totale est d’environ 51 000 km²).

Les opérations de déminage ont été entravées notamment par les inondations de 2014, car de nombreux glissements de terrain ont pu déplacer des mines non désamorcées et les panneaux les signalant, et rendre caduque le travail déjà effectué.

Depuis la fin de la guerre, 1767 personnes auraient trouvé la mort à la suite d’un accident lié à l’explosion de mines, dont 133 démineurs. Les civils les plus exposés au risque d’explosion des mines sont des hommes, agriculteurs. Par ailleurs, en raison de la situation économique pauvre du pays, des personnes pénètrent délibérément des zones où la présence de mine est suspectée, pour subvenir à leurs besoins vitaux (récolte de bois de chauffage, recherche de métaux pour la revente). On recense le plus d’accidents à l’automne et au printemps (travail dans les champs et récolte de bois de chauffage dans la forêt). A l’école, les enfants reçoivent des formations spécifiques sur le risque lié à l’explosion de mines.

Pour plus d’infos sur le sujet, sur les actions en cours et le Bosnia and Herzegovina Mine Action Center (BHMAC), c’est par ici.

Nous longeons un versant côté ombre, il fait bien frais. A notre gauche, la montagne puis la mer et Dubrovnik derrière. A notre droite, une immense plaine vraisemblablement minée, étant donné la densité des arbustes qui la recouvrent et l’absence totale de culture. La vue est chouette, et au moins, on n’est pas dérangé vu l’affluence nulle sur cette route ! Elle n’est d’ailleurs pas en très bon état, et nous nous mangeons un bon gros nid de poule, qui ne pardonne pas : le pneu avant se dégonfle d’un coup !! Merde ! On a deux belles entailles de 5 mm chacune sur la chambre à air, mais par chance, pas d’autre dégât sur la jante ! Ouf !

Pour le midi, heureusement qu’on avait des lentilles de la veille, car il n’y a vraiment aucune vie, même pas un chat dans les villages qu’on traverse. On commence par contre à s’inquiéter pour le soir, car on n’a pas de stock de nourriture à part quelques pâtes, ni d’eau ! Plus la journée avance, plus on se demande comment on va faire ! 

Bref, voilà une belle mise en jambe qui attise notre curiosité sur ce pays méconnu. Pas facile d’y voir clair dans son histoire récente, et ses différents habitants, les bosniaques (soit les musulmans de Bosnie, et non les habitants de Bosnie, qui eux sont les bosniens), les serbes (orthodoxes) de la république serbe de Bosnie, les croates (catholiques)… Les uns parlent serbe (et écrivent en cyrillique), d’autres croate, et les derniers bosnien, mais il s’agit au final d’une seule et même langue ! Les tensions sont encore bien fortes aujourd’hui entre ces différentes ethnies. Par exemple, les panneaux routiers de direction sont toujours écrits en caractères romains et en cyrillique, et nous voyons souvent sur notre route des panneaux où l’inscription cyrillique est barrée (et probablement qu’on aurait constaté l’inverse dans les territoires de la république serbe de Bosnie). 

Pourtant, la manière dont est gérée la présidence du pays pourrait nous laisser penser qu’au contraire, les trois ethnies cohabitent bien. En effet, il y a ici une présidence collégiale : 3 présidents, un par ethnie, sont élus simultanément. Les trois présidents alternent à tour de rôle à la tête de la présidence collégiale, pour une période de 8 mois. 

La route que nous suivons aujourd’hui longe la frontière entre la république serbe de Bosnie et la fédération de Bosnie Herzégovine. Elle a été le lieu de violents combats, et d’épuration ethnique. Tous les villageois ont été expulsés et leurs maisons minées pour ne pas qu’ils reviennent. On comprend mieux pourquoi notre route est totalement désertique !

Le jour commence à décliner quand nous atteignons un village un peu différent des autres : il y a des panneaux touristiques, un hôtel et un resto ! Tous sont fermés, car on est hors saison, mais ils ne sont pas abandonnés ! Retrouverait-on la vie ? On y tombe sur un petit bar, qui ravive notre espoir. Mais c’est peine perdue : déjà, le serveur est une porte de prison, il ne semble pas apprécier qu’on ne parle pas sa langue. Et puis, problème majeur, il ne prend pas la carte bancaire, et on n’a pas de liquide dans la monnaie locale ! Et bien sûr pas de distributeur avant… 20 km ! Impossible puisqu’il fait bientôt nuit !

On poursuit quand même un peu jusqu’au village suivant, Ravno. Rebelote, il y a bien un café, mais avec un serveur tout aussi aimable (des frères ? ^^) et qui ne prend pas la carte. 

Bon, changement de stratégie : on va maintenant toquer à une porte, trouver de l’eau, et chercher un endroit où planter la tente.

La porte s’ouvre sur une dame qui ose à peine mettre le nez dehors, mais qui accepte tant bien que mal de remplir nos gourdes. Ouf ! Mais ce n’est pas par ici qu’on va dormir ! On s’éloigne un peu du centre du village, et on repère une allée un peu couverte par la verdure. Il fait nuit maintenant, donc on va voir avec les propriétaires de la maison d’à côté si on peut s’installer là. Il est trop tard pour tergiverser, nous devons vraiment nous arrêter !

Trois personnes sortent de la maison, dont un monsieur qui s’écrit : “my house, my house !”. Voilà Božo, qui prenait le café chez des amis, qui nous intime de le suivre jusqu’à chez lui. Il fait nuit, il est en voiture, on pousse sur les pédales pour ne pas le perdre de vue, tout en se demandant : mais c’est où chez lui ? 🤔

Bon finalement après une dernière petite côte raide et 2 km, nous y voici ! 

Božo ne parle que quelques mots d’anglais, alors on bataille pas mal pour se comprendre, d’autant que nous n’avons aucune connexion internet et donc aucun traducteur disponible… 

Alors on s’installe dans ses fauteuils, il nous offre deux bières et on trinque, quel accueil ! Nous étions assoiffés ! Chacun prend une douche puis, alors qu’on commençait à réfléchir à lui demander si on pouvait utiliser sa gazinière pour faire cuire nos pâtes, Božo nous ramène du jambon trop bon avec olives et sirop grenadine maison. « My products » nous dit-il ainsi plusieurs fois avec un large sourire. Il est très fier de nous faire goûter ses produits ! Et nous sommes très impressionnés également.

Božo est un croate de Bosnie, et il a fui en Croatie après que sa maison a été détruite pendant la guerre. Il a vécu 25 ans à Dubrovnik, avant de revenir ici à Ravno. Nous comprenons qu’il tient un gîte ici l’été.

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises, notre hôte tient à nous montrer tout le travail qu’il a effectué ces dernières années. On monte une petite bute et on voit des petites maisonnettes, prêtes (enfin presque) à recevoir de futurs touristes l’été. Plus haut, une magnifique terrasse domine la vallée, et la vue doit être grandiose (mais là il fait nuit) ! On sent que Božo est très fier ! Nous reviendrons demain admirer le levé du soleil nous dit-il, et c’est avec grand plaisir 🙂

En attendant, Božo nous montre une chambre – notre chambre ! – avec un grand lit double, et nous en sommes ravis !! 😊

Le réveil sonne à 7h. Nous prenons un café puis montons en haut de la terrasse comme prévu. La vue est splendide ! Le jardin est superbement entretenu, quel travail ! On visite par la suite la réserve de jambon. Bien entendu, Božo nous présente ses plus fidèles compagnons : Leo l’âne, Patrick le chat et Astor le chien.  

Nous quittons Božo avec émotion, il nous a accueilli à bras ouverts, et nous regrettons de n’avoir pu tenir de longues discussions avec lui en raison de nos difficultés à communiquer.

Nous retrouvons notre “ciro road” et nous arrêtons un peu plus loin, vers un abri de chasseur, pour petit-déjeuner. C’est une journée de montagne qui nous attend, nous avons besoin de prendre des forces ! La vue est belle, la route toujours peu empruntée. En contrebas, nous voyons une rivière canalisée longue de plusieurs kilomètres (68 au total, depuis Trebinje), et plus loin, un lac réservoir, d’où part une chute d’eau canalisée en tunnel sur 8,8 km de long. Elle se jette dans un deuxième lac (Svitavsko lake) tout en bas, après avoir traversé des turbines. De l’autre côté de la rive, on voit… des villages ! Il semblerait qu’on atteigne une partie plus vivante de la Bosnie !

A midi, on arrive dans un de ces fameux villages, où nous trouvons une épicerie, et le logo CB sur la porte d’entrée. Miracle !! On se lâche sur les courses, chocolat, biscuits, bananes… Sauf qu’en fait à la caisse, on ne nous prend pas la carte finalement. Quelle désillusion !! Ils tolèrent par contre les euros, et en raclant bien nos fonds de poche, on arrive péniblement à trouver 6 euros et quelques. Il nous faut reposer dans les rayons tout le superflu, on se contentera d’un pain (très bon, de la forme d’un disque de 30 cm de diamètre), d’un bout de fromage et de sardines. Un pique nique frugal quoi.

Plus tard dans la journée, nous traversons notre première ville, Čapljina, où nous ne ratons pas le coche et faisons de bons stocks de bouffe et d’argent liquide ! Nous voilà prêt pour camper ce soir, nous roulons encore un peu jusqu’aux chutes d’eau de Kravica.

C’est Susie et Sébastien, les cyclistes rencontrés en Grèce et avec qui nous avons dormi dans l’église, qui nous ont recommandé de dormir ici. En effet, au pied des chutes, il y a une ou deux petites cabanes de resto, qui doivent être blindées de monde l’été, mais en ce moment, elles sont fermées. Mais devant l’une d’entre elles, il y a une belle table de pique-nique abritée, une loupiote et … l’électricité ! Voilà donc un bivouac grand luxe, on est installé comme des rois, rincés avec l’eau de la rivière et avec une vue superbe sur les chutes.

Au réveil, nous avons la surprise de lire -3° sur notre compteur ! C’est notre nuit la plus froide jusqu’à présent, et étrangement, nous n’avons pas eu froid !

Nous quittons ce lieu enchanteur et roulons les derniers kilomètres qui nous séparent de Mostar.

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Croatie

Mikulici Nature Park et Dubrovnik

Une fois en Croatie, nous avons encore quelques kilomètres à parcourir et du dénivelé à grimper sur une route bien raide, qui nous oblige à pousser le vélo. Fatigant, mais on est récompensé lorsqu’on arrive au “Mikulici Nature Park” !

Voilà un endroit créé par Marko, notre hôte warmshower pour ce soir. Nous découvrons ce fascinant personnage : de grande carrure, chapeau de paille dégarni vissé sur le crâne, barbe blanche, qui parle l’anglais avec un bel accent américain et ponctue ses phrases de “fuck” et “fucking”. Voilà Marko, 84 ans, né à Dubrovnik.

Voilà un extrait de ce qu’on peut lire sur lui sur internet, et qui colle tout à fait au personnage :

« Marko swears a lot and he has no patience for idiots. He can be the perfect gentleman one minute and then revert to his irritable grumpy old man person in a heartbeat for no reason. « 

A 18 ans, il a passé un an en camp de réfugié en Italie, avant d’émigrer au Canada, où il a passé 47 années. Parti de rien, il a réussi à faire du business là-bas, a été patron de trois boîtes, … Et puis, il est revenu en Croatie pour sa retraite, où il a récupéré la terre de ses parents, là où nous nous tenons maintenant. Il vit désormais dans une toute petite maison qu’il a construite, presque un bungalow, avec seulement un panneau solaire pour l’électricité, et la douche froide au tuyau. Il accueille de nombreux voyageurs comme nous, gratuitement, qui peuvent camper dans son grand terrain, dormir dans la cabane, et l’aider un peu de temps en temps pour l’entretien de ces espaces verts.

Cet homme, qui semble avoir eu mille vies, qui regorge d’anecdotes – folles pour certaines – reste un mystère pour nous. Qu’est-ce qui l’a amené à tout abandonner de sa vie luxueuse de patron d’entreprise, pour arriver ici et vivre de presque rien ? Pourquoi a-t-il fui la Croatie à 18 ans (en 1956 probablement donc), quand il nous dit que Tito était comme un père pour lui ? Comment se définit-il socialiste, marxiste, alors qu’il a vécu la grande vie et gagné plein d’argent ?

Il nous dit qu’il écrit ses mémoires, autant dire qu’on aimerait beaucoup les lire pour en apprendre plus sur cet énigmatique personnage !!!

Nous passons une très bonne nuit dans la cabane en bois en haut du grand jardin de Marko, on a même eu trop chaud ! Nous prenons le café tous les trois, et puis nous partons nous promener. Hier soir, une voisine autrichienne de Marko, Maria, nous a proposé de passer la voir dans la journée. Nous avons donc décidé de rester un jour supplémentaire par ici. Bon, finalement, nous la prenons de court et elle n’est pas dispo, mais elle nous conseille d’aller à Molunat, un petit village en bord de mer pas loin d’ici. Ni une ni deux, nous voilà partis ! 

Nous entamons une grosse descente (logique vu tout ce qu’on a monté la veille), droit vers la mer. C’est fou comme le paysage et la végétation ont changé depuis hier ! On dirait presque que c’est le passage de la frontière qui marque ce changement, mais c’est juste que ça correspond aussi au moment où on a quitté les terres pour revenir sur la côte… Toujours est-il que nous sommes désormais dans un paysage bien méditerranéen, avec les pins maritimes, et avec des températures bien plus clémentes.

A Molunat, la vue est charmante, des petites maisons au bord de l’eau cristalline, quelques bateaux de pêche… Mais par contre, pas un chat, et rien d’ouvert pour manger !! Nous croisons quand même une vieille dame au bout d’un moment, qui nous indique la direction à suivre pour trouver une supérette. On a de la chance, elle est ouverte et à deux pas !

On pique-nique ensuite au bord de l’eau, bien au calme, avant de rebrousser chemin. Et c’est là que nous retombons sur la même dame que tout à l’heure, qui s’excuse et nous dit : je n’ai même pas pensé à vous inviter à boire un café tout à l’heure ! Mais venez donc, installez-vous sur ma terrasse ! Ni une ni deux, nous voilà donc au soleil au bord de la mer et d’une toute petite église, avec un verre de jus de fruit à la main, et notre hôte qui s’affaire en cuisine. Je dis à Mathieu qu’à tous les coups, elle nous prépare un petit goûter et va nous ramener des gâteaux 🙂

Eh bien j’ai presque tout juste… Elle revient bien avec le goûter mais il s’agit d’œufs au plat sur du lard bien épais bien gras. Et on doit avoir des têtes d’affamés, car elle nous sert non pas un mais quatre œufs chacun !!! Alors là, l’attention est vraiment sympa, mais nous, on est au bord du malaise ! Entre le soleil qui nous tape sur le coco et l’énorme pique-nique qu’on vient de s’enfiler, avaler ces 4 œufs est un véritable calvaire – mains moites, transpiration, hauts le cœur …-  et relève d’un exploit (même Mathieu est en souffrance !). Mis à part ça nous faisons donc la connaissance d’Anna-Maria, une allemande de 84 ans, dont le mari, décédé 2 ans plus tôt, était croate. C’est une artiste peintre, elle nous raconte de nombreuses histoires sur son passé, lorsqu’elle a fait les Beaux-Arts et qu’on la forçait à faire des peintures abstraites, car c’était ce qui était tendance à l’époque, mais qu’elle détestait ça… Je fais de mon mieux pour traduire à Mathieu, car nous parlons en allemand, et elle raconte énormément de choses, et très vite.

Par ici pour voir quelques-unes de ses œuvres.

Une fois nos assiettes vides, elle nous demande si on a assez mangé – oh que oui ! – et nous prenons congé : si nous voulons être rentrés avant la nuit, il ne faut pas traîner. Nous remontons donc tout ce que nous avons descendu ce matin, autant dire qu’on est pas les plus légers. On repasse rapidement chez Maria l’autrichienne, avec qui on papote tranquillement sous le soleil couchant. Elle est en pré-retraite et est venue s’installer ici il y a quelques mois. Elle respire la douceur et la bienveillance, elle nous rappelle Rikke, la maman de la famille danoise qui nous a hébergé à Copenhague. Nous marchons ensuite ensemble au sommet du tumulus qui domine le village. On estime qu’il date de l’âge de bronze, il mesure 45 m de diamètre et fait 6,5 m de hauteur. D’en haut, nous avons un panorama à 360° sur les environs, y compris le Monténégro et la Bosnie, et les dernières lueurs rougeoyantes du jour.

Enfin, nous retrouvons Marko chez lui, qui continue de nous raconter ses aventures. Cette fois, il parle beaucoup d’un projet qui lui tient à cœur et pour lequel il a beaucoup œuvré : la réhabilitation d’une ancienne voie de chemin de fer à voie étroite, “Ciro”, qui reliait, à l’ère yougoslave, Dubrovnik à Sarajevo, et qui a été abandonnée en 1976. Il aimerait que le tronçon croate soit restauré, pour en faire un train touristique (un peu comme le petit train de la Mûre). Selon lui, tout est encore en bon état, les viaducs, les tunnels, ne resterait plus qu’à reposer des rails. Il en parle passionnément et c’est beau à voir, malheureusement, c’est probablement un projet utopique qui ne verra pas le jour de sitôt… En attendant, nous allons découvrir une partie du tracé dans les prochains jours, car en Bosnie, c’est désormais un itinéraire cyclable !

Par ici pour voir plus de photos d’archive du Ciro Train.

Nous nous couchons ce soir en repensant à cette belle journée qui a été si riche en rencontres.

Le lendemain, après une deuxième bonne nuit de sommeil, nous aidons Marko rapidement à régler quelques problèmes informatiques, et nous le quittons. Sacré personnage ce Marko !

Notre route est belle, peu fréquentée, le temps est fabuleux et on a même trop chaud. C’est à se demander si on est vraiment en janvier ! Nous ne sommes pas loin de Dubrovnik, et nous ne tardons pas à l’apercevoir en contrebas. Quelle belle vue !!!

Nous nous installons au bord de l’eau et des remparts pour pique-niquer, avant de nous promener un peu dans la ville fortifiée. C’est très beau, mais bon, la ville est totalement morte. Tout est fermé, il y a peu de gens, et le seul café qu’on peut boire nous est proposé à 4 € ! Ah si, on peut aussi faire le tour des remparts, mais pour ça, il faut débourser 25€. N’importe quoi ! Tellement différent du Dubrovnik vivant dont Marko nous parlait, où quand il était enfant, il jouait au foot au bord des remparts.

Nous nous installons rapidement dans la chambre que nous avons réservée, et nous préparons pour ce soir : à 21h, nous sommes interviewés en direct par la webradio “allolaplanete” pour l’émission « Voyage sans ailes »! Exercice totalement nouveau pour nous, mais plutôt marrant.

Le lendemain, nous quittons Dubrovnik, et gravissons la côte qui nous sépare de la frontière avec la Bosnie Herzégovine. Nous la traversons sans encombre ; encore une fois, ils ne sont pas très regardants et ne vérifient aucun papier lié au covid.