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Shkodër

Le lendemain, avant de quitter Tirana, nous sommes à la recherche d’un magasin de vélo car tout était fermé la veille. Après un 1er échec, nous arrivons devant la vitrine de « bike doctor », également fermée. Mais on est vraiment chanceux, car le mécano arrive à son magasin alors qu’il est en congé, il avait un vélo réparé à rendre à quelqu’un. Il accepte gentiment de nous aider, vérifie nos chaînes et nous change nos plaquettes de freins arrière (ce qui est vraiment important vu le dénivelé qui nous attend dans les prochains jours au Monténégro !!) 

Nous voilà prêts à repartir, pour la grosse journée qui s’annonce : 110 km ! Au début, nous empruntons des pistes cyclables. Mais rapidement elles disparaissent, pour laisser la place à des routes très chargées et bien bouchonnantes. Heureusement que la ville n’est pas très grande car ça nous prend une éternité pour faire 20 km là-dedans. Et c’est pas très compatible avec une grosse journée de plus de 100 km ça ! 

La route finit par être plus sympa, et nous rencontrons un couple de suisse, Aïlen et Yann, toujours dans la direction opposée à la nôtre. On papote un bon moment et puis il nous faut repartir, on a toujours notre grosse journée devant nous ! Alors qu’il nous reste une trentaine de kilomètres, nous rencontrons à nouveau un couple de cyclistes français, Amélie et Anthony, avec qui nous avons échangé récemment sur internet. Sacrée coïncidence, il se trouve qu’Amélie a été à l’école avec Carole, la cousine de Mathieu ! Le monde est petit !

Nous passons encore un bon moment à discuter ensemble, mais la nuit s’approche à grands pas, alors on se sépare. On fonce ensuite, car la journée est bien avancée, et on arrive de nuit à Shkodër.

Nous allons loger dans une “eco-social farm”, trouvée sur Warmshower. Cette ferme est gérée globalement par une association, dont Kastriot est le président, mais nous sommes accueillis sur place par Martin, un argentin bénévole ici depuis plus de 6 mois. S’ensuit une grosse pasta party au coin du feu, avant une grosse nuit : on est crevé !

Les jours suivants sont consacrés au repos. Le temps est maussade, il pleut, on en profite pour recharger nos batteries, bouquiner au coin du feu.

Nous essayons d’en apprendre plus sur le fonctionnement de la ferme. De ce que nous comprenons, l’association de Kastriot a pour but d’aider à la réinsertion de personnes en difficultés, et la ferme est l’un de leurs projets. Ici, nous croisons principalement deux personnes, un homme qui s’occupe des animaux (un âne, quelques oies, canards et moutons), et une femme, Maria, qui semble être en charge de faire à manger, faire le ménage, … 

En parallèle de cette activité agricole, des dortoirs ont été aménagés afin d’héberger les gens de passage dans le coin. De notre côté nous les avons trouvés sur Warmshower.

Nous profitons d’une éclaircie pour aller visiter Shkodër, surmontée par une grande forteresse. Lors d’une belle pause dans un bon restaurant traditionnel, nous rencontrons un couple de français, Ben et Anna, qui eux voyagent en camping car. Nous décidons de visiter ensemble le musée de la photo qui expose des clichés de la ville et des environs remontant au 19e siècle.

Un autre jour, nous partons nous promener dans l’après-midi, car Kastriot nous a parlé d’un village en ruines et d’une source, a priori pas très loin. On monte donc dans la montagne, et le chemin rétrécit petit à petit, jusqu’à ne laisser plus que la largeur d’une personne, le tout envahi de ronces. On dirait pas franchement que quelqu’un est venu par ici récemment ! Mais nous on est coriace et on s’y enfonce. Le problème, c’est que plus on avance, plus c’est dense, plus l’heure tourne ! Mais à chaque fois on se dit que c’est trop tard pour faire demi-tour maintenant…. Bref, c’est la galère, il commence à faire sombre, mais bon, on finit par enfin s’extirper des ronces et à retrouver notre chemin initial. C’était franchement pas la balade du siècle, arrivés aux ruines il faisait déjà trop sombre pour voir quelque chose ^^ Tant pis, on se dépêche de redescendre, hésitant par-ci par-là sur la route à suivre, et on arrive dans la nuit noire. Pas une réussite cette expédition !

On prolonge un peu notre séjour sur place, car Kastriot et Martin nous parlent d’une fête qui va avoir lieu ici le week-end. En effet, Kastriot est aussi membre d’une association de randonnée, et une fois par an, plusieurs associations se rejoignent pour faire la fête et une balade tous ensemble. Cette année, c’est à Shkodër que ça se passe, et des groupes vont venir du Kosovo et de Macédoine du Nord ! Au total 70 personnes à nourrir et la moitié à loger. Pour ça, notre aide sera appréciée, et on a hâte de voir ce que ça va être !

On commence la veille par faire de la place dans la grande salle commune, sortir les canapés et rentrer des tables, faire du ménage, faire les lits. Martin est un peu stressé, car il est invité ce soir par Kastriot à manger et dormir en-dehors de la ferme et ils ne rentreront que demain dans la matinée, ce qui ne leur laissera pas trop de temps pour continuer de tout préparer !

De notre côté, on reste à la ferme ce soir, et on a la mission d’accueillir un couple de cyclistes français qui viennent dormir là ce soir, des warmshowers comme nous. Nous rencontrons donc Baptiste et Orane, qui sont des adeptes de la grimpe et qui trimbalent tout leur matos d’escalade !! Leurs vélos sont super lourds 😅 Nous passons une bien bonne soirée ensemble, et le lendemain au petit dèj ils nous font goûter une trouvaille du Monténégro : du café de gland ! Étonnant mais plutôt bon ! Apparemment ils ont aussi trouvé de la farine de gland là-bas, et on ne savait pas que ça existait !

Nos deux amis partent dans la matinée, et nous on s’étonne de ne pas voir Martin et Kastriot revenir, surtout qu’on pensait être super occupés toute la journée. En même temps, la météo est pourrie, alors on en vient presque à se dire que la fête est annulée !

Mais finalement, à 13h, ils débarquent et là, plus question de rigoler, c’est le branle-bas de combat !! Mathieu et moi épluchons 20 kg de patates 😱Puis il faut dresser les tables, et on sent que Kastriot se met la pression et veut vraiment bien faire les choses (c’est à la bonne franquette, mais pas tout à fait quoi) : on sort la vaisselle des placards, il faut vérifier que tout est bien propre, mettre le couvert en emballant les couverts dans les serviettes en papier (comme partout dans les restos ici), remettre le couvert parce que j’ai renversé une cruche sur la nappe en papier …

Et les premiers convives arrivent plus tôt que prévu ! On continue de s’affairer autour d’eux et pour eux, il faut vite leur retirer la carafe de vin et celle de raki car eux sont musulmans, faire du café, trouver le sucre (merde, on n’a pas de sucre – Maria, va acheter du sucre s’il te plaît !). Entre temps, tout le monde est arrivé, et nous on reste caché en cuisine. On travaille à la chaîne avec Martin, Maria et Gjoni, un ami de Kastriot venu l’aider.

On s’entend bien tous les quatre, Gjoni, qui est albanais et italien met l’ambiance et on enchaîne le dressage des plats, pour que tout puisse sortir quasiment en même temps. C’est la course ! Tout va très vite, et on peut enfin grignoter un peu de notre côté une fois que les desserts sont servis. Fiou !! Par contre, grosse désillusion, il ne reste pas une miette des patates qu’on avait préparées et qui avaient l’air si bonnes…

Ensuite, ça y est, on est libre d’aller dans la salle avec tout le monde et de profiter de la soirée. Et quelle soirée !! On nous dira souvent que c’est comme si on assistait à un mariage albanais. Il y a de la musique live, tout le monde chante à tue-tête les chants traditionnels, on découvre que peu importe qu’ils soient du Kosovo, de Macédoine ou d’Albanie, ces gens se revendiquent tous albanais et partagent les mêmes musiques et chansons traditionnelles. C’est très fort et émouvant de les voir à ce point “communier”. On s’essaie avec plus ou moins de succès à la danse traditionnelle, mais toujours avec de la bonne volonté !

Par moments ça nous rappelle le mariage d’Amal et Alejandro au Maroc, au niveau des manières de danser des femmes, ou bien lorsque tout le monde danse en agitant un drapeau albanais.

Nous passons une super soirée, dont on se souviendra longtemps. Tout le monde est heureux, enjoué, les jeunes dansent avec les vieux, et le covid, ma foi, eh bien il n’existe pas, et c’est tant mieux !!

Le lendemain, le réveil sonne à 7h, et il faut être prêt à 8h pour la rando ! Nous partons à l’assaut de la montagne qui surplombe la ferme, et visons les grosses antennes à son sommet. Si le temps de la veille était très pluvieux, on a le droit aujourd’hui à de belles éclaircies, c’est très beau !

En chemin, nous avons l’occasion de faire plus ample connaissance avec les personnes présentes, et notamment Rinesa et Shpat, deux jeunes kosovars de 18 et 20 ans. Nous en apprenons plus sur leur pays, et ils nous parlent notamment de leur sentiment d’isolation lié à leur passeport qui ne leur ouvre quasiment aucune frontière, étant donné que leur état n’est que très peu reconnu officiellement.

La bonne humeur règne toujours sur le groupe, tout le monde est très gentil, blagueur, la balade est ponctuée par des pauses chantées, quelle bonne ambiance !

Du sommet, nous voyons le Monténégro qui n’est qu’à 2 km à vol d’oiseau, et la route que nous emprunterons lorsque nous quitterons l’Albanie. La descente est bien raide et me laissera de bonnes courbatures pour les prochains jours.

En bas, c’est l’heure de dire aurevoir à tout ce monde, chacun reprenant la route de son pays. Même si nous ne connaissons ces personnes que depuis peu de temps, nous avons passé un très beau week-end et la séparation est émouvante. C’est toujours difficile quand nous rencontrons de belles personnes sur notre parcours, car nous savons que très probablement, nous ne nous reverrons jamais.

De retour à la ferme, nous savourons le calme avec Martin devant la cheminée.

Le lendemain matin, nous faisons également nos adieux à Martin, non sans émotion, et quittons la ferme. Nous nous arrêtons rapidement à l’épicerie du village pour écouler nos derniers leks avant de passer la frontière.

Une réponse sur « Shkodër »

ce sentiment de laisser des gens que tu ne reverras sans doute jamais, je l’ai eu en partant du Népal, un mois intense avec eux et puis retour dans la vie….

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