Après nous être bien reposé à Senj, nous repartons, et croisons très vite le 45e parallèle ! C’est fou de se dire qu’on est quasiment à la latitude de Montfaucon et Grenoble !!
Pour changer un peu, nous quittons la côte et passons derrière la première barrière de montagnes. Nous traversons de jolis villages, l’ambiance est tout de suite plus décontractée que sur la côte.
La journée passe tranquillement et nous atteignons finalement la forteresse de Drivenik (dont la première mention écrite remonte à 1228), qui nous semble être un bon endroit pour camper ! Nous sommes au sommet d’un promontoire rocheux et avons une belle vue sur la vallée, nous voilà bien installés pour la soirée ! Et pour parfaire le tableau, l’une des tours de la forteresse est accessible, et nous décidons de mettre notre tente en plein milieu. Avec ses murs de 4 m d’épaisseur, nous serons pour sûr à l’abri du vent !
Au fond, la tente !Un tour ronde de l’extérieur, carrée de l’intérieur. Au-dessus, les étoiles !
Au petit matin, nous nous réveillons en forme, nous avons bien dormi, et nous avons même entendu des loups !! Nous quittons notre abri de fortune et roulons sous un ciel très menaçant. En fin de matinée, nous tombons sur un couple de cyclistes, français bien sûr. Voilà Laurine et Maël, en route vers le Népal, et qui sont partis de … Sainte Sigolène !! A deux pas de chez les parents de Mathieu ! Sacrée coïncidence !
Maël, Laurine et nous
Nous atteignons peu après la ville de Rijeka, grand port croate, sous une pluie battante. Ni une ni deux, nous nous abritons dans un bistrot rempli d’ouvriers, et mangeons un délicieux poisson grillé. Quel plaisir !!!
Entre-temps, la pluie s’est arrêtée (nous avons décidément beaucoup de chance), et nous partons nous promener dans la ville.
Nous avons remarqué un petit souci sur notre cher Steven : le pédalier arrière a beaucoup de jeu, et, si nous ne savons pas depuis quand c’est comme ça, ça ne nous semble pas normal !! Nous profitons donc de notre pause dans la ville pour aller voir un magasin de vélo, qui garde notre monture et nous dit de repasser le lendemain midi pour le récupérer.
Sauf que le lendemain, on retrouve notre tandem tel quel, car ils n’avaient pas de roulement adapté pour remplacer notre pièce défaillante. Dommage, car la journée est déjà bien avancée, contrairement à nous !
C’est pas grave, on fonce dans la montée qui nous mène jusqu’à la frontière slovène, qu’on passe sans encombre, sans vérification de document covid.
Cette petite pause matinale nous aura permis de voir la ville de Rijeka sous le soleil, contrairement à la veille !
Changement radical de style par rapport au reste de la Croatie ! On sent la trace de l’ère austro-hongroise.
On part de la petite église derrière laquelle nous avons dormi. Ce matin, il fait plutôt doux (5°c), nous sommes prêts à découvrir l’île de Pag. Cette île, longue de 80 km s’étale le long des côtes Croates et est réputée pour ses moutons, son fromage et ses paysages lunaires.
On roule et on se prend un petit café au passage, dehors, un homme attablé avec son gros chien et des bières (à 9h) ne dit pas un mot, on en rigole et on se dit que c’est pas super bon signe pour lui… Et en repartant, voilà qu’il nous salue en…. Français !! (heureusement qu’on a pas parlé trop fort !!)
Plus loin sur la côte on atteint un grand pont en béton marquant le début de l’île, sous un soleil épatant ! On est accueilli à l’extrémité de l’île par les vestiges d’une superbe forteresse. Tout au long de notre trajet, on y observe une belle nature plutôt préservée, une belle forêt de chênes s’étalant sur le rivage. c’est superbe ! Les reliefs sont particulièrement présents, ce n’est jamais plat !!
A gauche la terre à droite l’île de PagArrivée sur l’île !!
On arrive face à un plateau où on peut apercevoir au loin Pag ( la ville !) ! Mais qui dit plateau dit… vent de face et un véritable calvaire commence… On arrive enfin dans ce petit village suant et les jambes tremblantes. Une usine de fromage se dresse devant nous, impossible de la visiter (à cause du Covid…), on se contentera donc d’acheter du fromage local (que l’on ne peut même pas goûter… que de frustration !)
C’est parti pour le repas pain + fromage si bien mérité ! Ce fromage, que nous avons pris vieilli , est plutôt salé, très dur et a un goût de parmesan… Comme nous sommes affamés, il nous semble plutôt bon quand même ! Et puis ça fait longtemps qu’on a pas mangé un fromage avec du goût ! Le village est mort, nous sommes les deux seuls sur la place centrale.
On repart donc, et on se retrouve sur de petits chemins côtiers, un régal !
On se rend compte que la journée passe vite et qu’il faut qu’on trouve de l’eau. Nous sommes au milieu d’un désert humain, alors quand une maison se dresse sur notre route, toute minuscule qu’elle soit, on s’arrête et on frappe. On entend un grognement mais la porte reste close. On refrappe ! Un homme patibulaire sort face à nous en tee shirt et caleçon (je crois) et nous semble peu accueillant… Il nous dit qu’il n’a pas d’eau et on se sent soulagé quand on referme le portail de son jardin !
On roule, on roule et une station service nous sauve ! Nous sommes donc parés pour la soirée.
On trouve un endroit pour bivouaquer le long d’une plage et après moultes tergiversations, on dresse la tente a côté de l’eau. Vers 22h, le vent se lève et la tente tremble de toutes parts… On « déménage » donc au plus vite sous la terrasse d’une maison inhabitée. On peut enfin dormir tranquille!!
29/01
La journée commence tôt ! Et superbe levé de soleil !
On remballe tout et on regarde l’itinéraire! 65 km et environ 1000m positif, une bonne journée vélo !
Mathilde est toute contente car on rencontre pleins de moutons et d’ânes ! Et en plus c’est dans la montée donc on peut s’arrêter pour souffler !
Vient le col, c’est magnifique!!
Puis la descente, lunaire !! Superbe ! Du haut de la colline, on voit que le ferry que nous devons prendre procède déjà à l’embarquement …. On met les bouchées doubles !!
Et lorsqu’on embarque, le ferry lève l’ancre ! (On a eu très chaud !!)
On débarque sur la terre ferme, déjà presque 300m de montée et on a rien mangé ! Et on se rend compte qu’il n’y a rien sur les 30 prochains kms!!
On est bien physiquement et on avale à nouveau 300m positifs de montée à 8 % (en zigzag ou serpentins !). C’est vraiment magnifique !
Malgré quelques voitures sur la route, aucune trace de maison à l’horizon et encore moins de supérette… On se demande comment font les voitures pour le carburant et comment trouver quelques calories joules à mettre dans nos jambes et… miracle ! Un panneau essence apparaît sur la route ! Vous voulez du gazole ou du sans plomb ? Nous demande un local en rigolant ! Tous les locaux semblent se retrouver au niveau de la station service pour partager quelques bières semble-t-il ! La station service semble être LE lieu de vie locale !
On se contente d’un bon coca et de chocolat, on est refait !! Et on repart, plus que 20km !
Le bonheur en barre !
On admire les paysages magnifiques le reste de la journée, et on arrive tôt a notre chambre que nous avons réservé (la moins chère du secteur). Le proprio nous présente un véritable appartement avec une cuisine, une superbe terrasse et même… une machine a laver ! Génial, on est presque chez nous et on va pouvoir trier les photos pour vous rédiger un bel article, chers lecteurs 😉
Alors qu’il fait presque nuit, nous longeons la côte et trouvons un tout petit espace entre une villa-hôtel fermée et la plage, où nous installons notre campement. Et bingo, de ce côté de l’île, nous sommes totalement à l’abri du vent !
Malheureusement, ça ne fait pas tout, et des bruits de bateaux nous empêchent de bien nous reposer à partir de 4h30. Derrière notre toile de tente, on a parfois l’impression qu’ils s’approchent bien près de nous, et on craint de se faire déloger, alors qu’en réalité, ils doivent être assez éloignés de nous et sont probablement des pêcheurs, mais le vent porte leur bruit à nos oreilles aux aguets.
Nous nous levons en même temps que le soleil, pour découvrir un très beau panorama avec de la brume en suspension au-dessus de la mer. Nous sommes contents de pouvoir en profiter, car le ciel se couvre très peu de temps après, et nous masquera le soleil toute la journée !
En repartant, nous nous arrêtons de nouveau prendre un café au même bar que la veille, et une dame nous interpelle : “je vous ai vus repartir ce matin, j’habite juste à côté. Si j’avais su que vous étiez là, je vous aurais apporté le café !” Les étoiles ne peuvent pas être systématiquement alignées ^^
Aujourd’hui, nous parcourons l’île de Pasman, toute en longueur, parallèle à la côte croate. On y est quand même bien mieux que sur les routes moches et passantes d’hier !
Nous rencontrons deux curieux véhicules : un bibliobus croate, qui me fait penser à ma maman, et deux camions de l’entreprise « The Shit Company » , décoré d’émojis et dessins très parlants !
A l’autre extrémité de l’île, on reprend un bateau pour revenir sur le continent, et nous voici directement à Zadar !! Comme ça, on a même pu s’éviter l’approche fastidieuse de cette grande ville 🙂
Nous nous y promenons l’après-midi, et découvrons son attraction phare : l’orgue marine ! C’est l’architecte Nikola Bašić qui en est à l’origine. Un escalier en marbre descend dans la mer, sur une soixantaine de mètres de longueur. Et dans les marches, 35 tubes en inox ont été installés. C’est tout bête, ensuite, quand une vague percute l’escalier, elle s’engouffre dans les tuyaux et en chasse l’air, produisant ainsi des sons (des accords de 5 notes, l’orgue aurait été accordé par un spécialiste !). Le bruit est plus ou moins fort et dépend de l’intensité des vagues et du vent. Dans tous les cas, la musique est produite 24h sur 24.
Vue en plan et coupe transversale de l’orgue marine (wikipedia)
Vu qu’on entend rien sur la vidéo qu’on a fait nous-mêmes, voilà plutôt une vidéo prise sur internet pour découvrir cette curiosité construite en 2005 !
Pour le reste, la ville de Zadar ne nous fait pas plus frémir que ça, on peine tout ce qu’on peut à trouver un resto, même pas une pizzeria à l’horizon, alors on rentre à notre auberge pour se cuisiner un truc.
Nous quittons la ville le lendemain matin, et longeons la côte sur de petites routes sympathiques. Le soleil n’est toujours pas au rendez-vous, mais on apprécie quand même le paysage. On se projette déjà sur l’île de Pag, quand tout à coup … Ting !! Le fameux bruit de rayon qui casse. C’est le retour de la mauvaise humeur, et surtout, le demi-tour pour revenir à Zadar, car il n’y a pas de magasin de vélo ouvert sur notre route avant 250 km ! Zut de zut, il nous faut refaire 20 km, et retrouver cette ville sans coup de cœur ! Et pour continuer dans l’ambiance morose, le premier magasin où on se rend ne souhaite pas nous aider à réparer. Youpi !
Bref, après ce raté, nous repartons à nouveau, mais cette fois, par la grosse route toute droite, c’est fini pour l’itinéraire touristique ! Nous roulons jusqu’à Nin, qui est la première ville royale de Croatie, son premier centre culturel, religieux et politique, un grand port du pays. De nos jours, il ne reste plus grand chose, et s’il y a bien quelques petits monuments historiques, et un accès à la vieille ville par un petit pont bien charmant, on comprend que c’est aujourd’hui une place très touristique pour ses plages, et donc déserte à cette période de l’année.
Un reflet parfait !
Un peu plus loin, au détour d’une rue, une femme nous fait coucou. En passant, je me rends compte qu’elle a une voiture immatriculée 75 : « vous êtes française ?? » Dans notre tête naît doucement l’idée que c’est peut être ici qu’on va passer la nuit…
Nous entamons une discussion, rapidement abrégée car elle doit partir. En revanche, elle hèle son mari resté devant son ordi à l’intérieur de la maison : « m’enfin, tu vas bien sortir un peu, ya des français, sers leur un coup à boire ! » Et elle nous laisse là.
Voilà donc un monsieur qui sort de la maison en grommelant. Il ne nous invite pas à entrer et préfère qu’on reste sur la terrasse (il fait quand même bien froid, le ciel est tout gris), et nous passe du jus de fruit par la fenêtre ! Bon et puis finalement, il se déride un peu, et nous raconte qu’il est franco-croate et a vécu toute sa vie à Paris, avant de venir ici pour la retraite, choix qu’il ne regrette absolument pas.
Le temps passe et le jour commence à décliner, mais pas d’invitation à dormir. Pas grave, nous repartons et roulons juste de quoi nous écarter un peu des habitations. Nous avons repéré une route en cul-de-sac pas loin de la mer, et nous y engageons. Au bord de la route, une petite église et derrière, une cour, où nous nous installons pour la nuit.
Il y a quand même quelques voitures qui passent (probablement des pêcheurs revenant de la mer ?) et ralentissent en voyant nos lumières, mais personne ne s’arrête et nous ne recevons pas la visite de la police. Chouette !
Nous quittons Mostar le lendemain matin, et reprenons la direction de la Croatie. Encore pas mal de dénivelé, puisqu’une chaîne de montagne nous sépare de la côte.
Nous nous appliquons à dépenser toute notre monnaie locale avant la frontière, à coup de viennoiseries, gâteaux, cafés, …
Juste après être rentrés en Croatie, nous arrivons à la petite ville d’Imotski, perchée dans la montagne. On est à la fin de l’après-midi, on a pas vraiment de plan pour dormir ce soir, alors on va s’attabler à un café et voir ce qu’il adviendra. Eh bien ce jour-là, pas grand chose ! Alors avant que la nuit tombe, nous repartons et allons voir le lac bleu d’Imotski, dans l’espoir d’y mettre notre tente.
Bon, c’est un lac dans un gouffre karstique, donc pour s’installer à son rivage, on repassera ! En revanche, il y a une grotte dans la falaise qui le surplombe, et elle nous semble un bon compromis. On y sera à l’abri du vent, qui s’est levé, et un peu protégés du froid également ! Ce n’est certes pas d’une propreté sans faille, mais ça fera notre affaire pour ce soir ! Nous voilà donc hommes des cavernes pour un soir !
Notre refugeOn a dormi là à l’entrée de la grotte
Nous nous réveillons tôt le lendemain matin, mais nous avons bien dormi. Il fait toujours bien froid, alors nous allons nous réchauffer au café du village. Quel étonnement, nous sommes samedi matin, même pas 9h, et le café est déjà bondé, avec pleins de jeunes ! Ça semble bien vivant par ici.
On reprend la route, avec un arrêt juste à côté d’ici, au lac rouge cette fois. Comme la veille, il s’agit d’un lac dans un gouffre, formé à la suite de l’effondrement du toit d’une cavité karstique.
Plutôt vertigineux le gouffre !
Ces deux lacs tiennent leurs couleurs, pour le premier, du reflet du ciel à sa surface, pour le second du reflet des falaises ocre et rouge tout autour (absolument pas explicite quand on voit la couleur de l’eau sur nos photos 😅).
« Il y a de nombreuses années, un homme très riche nommé Gavan et son épouse Gavanica et leurs enfants vivaient dans la région d’Imotski. Si Gavan avait l’apparence d’un homme, son âme était diabolique. Il maltraitait ses servants, les habitants de la ville, son unique hobby étant d’accumuler les richesses.
Afin de se convaincre de l’arrogance de Gavan, un ange descendit vers ses châteaux, déguisé en médiant qui demandait l’aumône. C’est Gavanica, l’épouse, qui lui ouvrit la porte et refusa de lui donner de l’eau et de la nourriture. À la question de l’ange lui demandant si elle craignait la punition divine, l’arrogante femme fortunée lui répondit d’un ton désagréable : Je n’ai rien à faire de ton Dieu, tant que j’ai mon Gavan !
À cet instant, l’ange jeta ses habits déchirés et s’empara d’une épée en flammes. Le ciel grondait et les éclairs s’abattaient sur la ville. La terre s’ouvra à force de tremblements, les Gavani et toute leur richesse étant engloutis dans des trous profonds à l’endroit des lacs rouge et bleu actuels. »
Nous enchaînons ensuite les kilomètres, pas mal de dénivelé encore aujourd’hui, et aussi de nombreux lacs karstiques (mais moins impressionnants que ceux d’Imotski !). Nous longeons un beau canyon, et finissons par déboucher sur le village d’Omis, en bord de mer.
Bien malheureux celui qui déboucherait de ce tunnel !
Si on se réjouit d’avoir enfin retrouvé la côte, il nous reste encore 20 km avant d’atteindre Split, et on est bien fatigué. Pour couronner le tout, petite hypoglycémie, de quoi titiller nos nerfs à vif. Bref, la fin de journée est bien bien difficile, et on s’écroule en arrivant. Ça tombe bien, on a trouvé un appart grand luxe dans une très belle maison, avec canapé, cuisine et machine à laver, pour une poignée d’euros.
Ce soir, on tombe de sommeil.
Le lendemain, une fois requinqués, nous partons à la découverte de la ville de Split. Dans la ville fortifiée, nous pouvons jeter un rapide coup d’œil à la cathédrale car c’est la messe (ça semble beau, mais il faut payer cher pour y entrer en-dehors des offices, donc tant pis !). La promenade dans l’enceinte des remparts est sympathique, tout autant que celle en bord de mer. Partout des cafés, et partout, du monde !! Voilà enfin une ville vivante, quel plaisir de voir le beau temps, et tous ces gens qui profitent du soleil en terrasse, alors même qu’il n’est que tôt le dimanche matin !
Des bruits très bizarres nous ont réveillé ce matin : il y a des paons dans le jardin de la maison où on loge !!Gregoire de Nin (ou Grgur en croate !), un évêque de Nin au Moyen Age. Il s’est opposé au pape de l’époque et a introduit la langue croate dans les messes, en 926, à la place du latin, que très peu de gens comprenaientFrotter son doigt de pied porterait chance
Nous continuons de nous promener dans cette ville, qui sera notre préférée parmi celles qu’on visitera en Croatie.
Le soir, crêpes party à l’appart, miam miam !
Nous quittons le lendemain ce bel appartement et la ville de Split. Enfin, on essaie, car elle s’étale sur de longs kilomètres dans une grande zone portuaire industrielle. Pas un littoral côtier très glamour mais bon ^^ Peu à peu la vue se dégage et nous pouvons profiter du paysage, du soleil … et du satané vent de face !
Le beau village de Primosten
On fait une pause le midi à Trogir, autre ville côtière fortifiée, et puis on poursuit notre chemin. En fin de journée, nous rencontrons Leo, un suisse de 65 ans qui roule dans la même direction que nous (le seul qu’on ait croisé dans notre sens !!), et cinq minutes après, un couple argentin, Carla et Leo (lui aussi !), et leur chien Piri. Ils sont très enjoués, très sympa, et on regrette de ne pas pouvoir passer plus de temps avec eux. En revanche, nous roulons avec Leo.
Leo, Piri et Carla, les argentins, nous et Leo le suisse !
Sacré personnage… Il nous a raconté son périple étape par étape, ville par ville, jour par jour… Autant dire que l’histoire est longue, puisqu’il a traversé l’Italie du nord vers le sud, a rejoint l’Albanie, et est sur le chemin du retour vers le nord. La plupart du temps, il frappe aux portes des églises et presbytères, et se fait héberger et nourrir par les curés. Nous apprenons qu’il n’a ni femme ni enfants, d’où la relation très forte qu’il a développé avec l’église (ce sont ses mots). En effet, il essaie d’assister à la messe tous les jours !!!
Comme nous avons un toit pour dormir ce soir, nous lui proposons de se joindre à nous et de dormir sur le canapé de la chambre qu’on a trouvé. Ce qu’il accepte avec plaisir. C’est ainsi qu’on se retrouve tous les trois dans la petite chambre, le soir. Leo profite du wifi pour passer de nombreux coups de fils (et systématiquement il répète inlassablement toutes les villes où il est passé, jour par jour, église par église…). Comme il n’a pas l’air d’avoir à manger, ni d’être disposé à y remédier (l’habitude de se faire nourrir par les curés ?), nous partons faire quelques courses. Lui est toujours au téléphone, mais il nous lance quand même : n’oubliez pas le pain, c’est très important le pain !
A notre retour, c’est également Mathieu et moi qui cuisinons, et pendant le repas, Leo nous répète à nouveau, au moins trois fois son périple. De mon côté, je suis patiente et me dis qu’il doit avoir un début d’Alzeihmer ou autre truc du genre. De son côté, Mathieu piaffe et s’énerve qu’aucune discussion ne soit possible, puisque Leo ne semble nullement intéressé de savoir ce que nous, nous avons fait.
Bon bon, après le repas, on s’empresse de dire qu’on est fatigué, histoire de couper court à tout ça.
Au réveil le lendemain matin, ma patience s’est évaporée. Leo, qui ne s’est pas préoccupé de préparer le petit dèj s’enquiert : “is coffee ready ?”. Haaaaaaaa !! “I don’t know, do you have coffee ?” Bien sûr, il n’en a pas, donc nous lui en fournissons. “Do you have sugar?” Aie aie aie, de bon matin, dur de rester diplomatique. Mais ça n’a pas l’air de le froisser plus que ça, comme il sait que nous visons Zadar, il propose que nous fassions la route ensemble. Alors vite vite, on essaie de se trouver un échappatoire : on repère des chutes d’eau un peu à l’est, ce qui fait faire un détour avant de rejoindre Zadar, et on lui dit que finalement, nous irons ici aujourd’hui.
Le temps de se brosser les dents, voilà Leo qui revient : “j’ai étudié la carte, alors les chutes d’eau sont par là, donc d’ici ça fait 60 km, et donc ensuite on pourrait passer par là …” Alerte !!! On finit par lui dire qu’avec notre tandem, on roule très vite et qu’on ne va donc pas faire la route. Nous nous séparons donc dès que nous avons rejoint un axe principal. Fiou !!!
Nous nous arrêtons à la ville de Sibenik pour nous y promener, non sans jeter parfois un coup d’œil par-dessus notre épaule, car on sait que c’est ici, à l’église principale, qu’il comptait dormir la veille ! Cette église est d’ailleurs très belle, surtout de l’extérieur. De nombreuses têtes sculptées forment une frise tout autour du bâtiment. On s’élève ensuite un peu pour apprécier une vue plus globale, et le seul point de vue gratuit, c’est au cimetière. Nous y slalomons entre d’énormes caveaux.
Puis, on repart, le long d’une route peu passionnante et plutôt passante. C’est un peu fastidieux, mais au moins, on enchaîne les kilomètres. Nous rencontrons à nouveau deux français, Pierre et Louis, qui viennent de finir leurs études et partent en vélo avant de travailler. Ils nous disent qu’ils ont croisé Leo, et qu’il est loin devant nous. Ouf ! Notre soulagement les étonne un peu mais bon… ils n’ont pas passé la soirée avec lui ^^ Ils sont partis de Nice il y a seulement 15 jours ! Certes, ils ont roulé vite et longtemps, mais ça nous fait un petit coup de savoir que ça y est, la France est toute proche !
Nous arrivons ensuite à la ville de Biograd Na Moru, d’où part un ferry pour l’île de Pasman. Nous sommes en pleine hésitation : la route de ce côté-ci est inintéressante, mais celle sur l’île sera-t-elle meilleure ? Il y a un vent à décorner les bœufs, sera-t-on mieux ici ou en face pour planter la tente, l’île ne sera-t-elle pas plus ventée ? Le ferry part à 16h40, et arrive à 17h, heure du coucher de soleil. Aura-t-on le temps de trouver un endroit où dormir avant la nuit noire ? Après de longues hésitations, et l’heure du ferry se rapprochant de plus en plus, nous décidons finalement de le prendre, et puis on verra bien une fois sur l’île !
Là-bas, nous allons dans un premier temps au café du village Tkon, dans l’espoir que quelqu’un nous invite. Bon, ça n’est pas très fructifiant, en revanche, la serveuse nous indique une direction à suivre pour trouver un endroit tranquille. Et en effet, alors qu’il fait presque nuit, nous longeons la côte et trouvons un tout petit espace entre une villa-hôtel fermée et la plage, où nous installons notre campement. Et bingo, de ce côté de l’île, nous sommes totalement à l’abri du vent !
Une fois en Croatie, nous avons encore quelques kilomètres à parcourir et du dénivelé à grimper sur une route bien raide, qui nous oblige à pousser le vélo. Fatigant, mais on est récompensé lorsqu’on arrive au “Mikulici Nature Park” !
Voilà un endroit créé par Marko, notre hôte warmshower pour ce soir. Nous découvrons ce fascinant personnage : de grande carrure, chapeau de paille dégarni vissé sur le crâne, barbe blanche, qui parle l’anglais avec un bel accent américain et ponctue ses phrases de “fuck” et “fucking”. Voilà Marko, 84 ans, né à Dubrovnik.
Voilà un extrait de ce qu’on peut lire sur lui sur internet, et qui colle tout à fait au personnage :
« Marko swears a lot and he has no patience for idiots. He can be the perfect gentleman one minute and then revert to his irritable grumpy old man person in a heartbeat for no reason. «
A 18 ans, il a passé un an en camp de réfugié en Italie, avant d’émigrer au Canada, où il a passé 47 années. Parti de rien, il a réussi à faire du business là-bas, a été patron de trois boîtes, … Et puis, il est revenu en Croatie pour sa retraite, où il a récupéré la terre de ses parents, là où nous nous tenons maintenant. Il vit désormais dans une toute petite maison qu’il a construite, presque un bungalow, avec seulement un panneau solaire pour l’électricité, et la douche froide au tuyau. Il accueille de nombreux voyageurs comme nous, gratuitement, qui peuvent camper dans son grand terrain, dormir dans la cabane, et l’aider un peu de temps en temps pour l’entretien de ces espaces verts.
Cet homme, qui semble avoir eu mille vies, qui regorge d’anecdotes – folles pour certaines – reste un mystère pour nous. Qu’est-ce qui l’a amené à tout abandonner de sa vie luxueuse de patron d’entreprise, pour arriver ici et vivre de presque rien ? Pourquoi a-t-il fui la Croatie à 18 ans (en 1956 probablement donc), quand il nous dit que Tito était comme un père pour lui ? Comment se définit-il socialiste, marxiste, alors qu’il a vécu la grande vie et gagné plein d’argent ?
Il nous dit qu’il écrit ses mémoires, autant dire qu’on aimerait beaucoup les lire pour en apprendre plus sur cet énigmatique personnage !!!
Nous passons une très bonne nuit dans la cabane en bois en haut du grand jardin de Marko, on a même eu trop chaud ! Nous prenons le café tous les trois, et puis nous partons nous promener. Hier soir, une voisine autrichienne de Marko, Maria, nous a proposé de passer la voir dans la journée. Nous avons donc décidé de rester un jour supplémentaire par ici. Bon, finalement, nous la prenons de court et elle n’est pas dispo, mais elle nous conseille d’aller à Molunat, un petit village en bord de mer pas loin d’ici. Ni une ni deux, nous voilà partis !
Nous entamons une grosse descente (logique vu tout ce qu’on a monté la veille), droit vers la mer. C’est fou comme le paysage et la végétation ont changé depuis hier ! On dirait presque que c’est le passage de la frontière qui marque ce changement, mais c’est juste que ça correspond aussi au moment où on a quitté les terres pour revenir sur la côte… Toujours est-il que nous sommes désormais dans un paysage bien méditerranéen, avec les pins maritimes, et avec des températures bien plus clémentes.
A Molunat, la vue est charmante, des petites maisons au bord de l’eau cristalline, quelques bateaux de pêche… Mais par contre, pas un chat, et rien d’ouvert pour manger !! Nous croisons quand même une vieille dame au bout d’un moment, qui nous indique la direction à suivre pour trouver une supérette. On a de la chance, elle est ouverte et à deux pas !
On pique-nique ensuite au bord de l’eau, bien au calme, avant de rebrousser chemin. Et c’est là que nous retombons sur la même dame que tout à l’heure, qui s’excuse et nous dit : je n’ai même pas pensé à vous inviter à boire un café tout à l’heure ! Mais venez donc, installez-vous sur ma terrasse ! Ni une ni deux, nous voilà donc au soleil au bord de la mer et d’une toute petite église, avec un verre de jus de fruit à la main, et notre hôte qui s’affaire en cuisine. Je dis à Mathieu qu’à tous les coups, elle nous prépare un petit goûter et va nous ramener des gâteaux 🙂
Eh bien j’ai presque tout juste… Elle revient bien avec le goûter mais il s’agit d’œufs au plat sur du lard bien épais bien gras. Et on doit avoir des têtes d’affamés, car elle nous sert non pas un mais quatre œufs chacun !!! Alors là, l’attention est vraiment sympa, mais nous, on est au bord du malaise ! Entre le soleil qui nous tape sur le coco et l’énorme pique-nique qu’on vient de s’enfiler, avaler ces 4 œufs est un véritable calvaire – mains moites, transpiration, hauts le cœur …- et relève d’un exploit (même Mathieu est en souffrance !). Mis à part ça nous faisons donc la connaissance d’Anna-Maria, une allemande de 84 ans, dont le mari, décédé 2 ans plus tôt, était croate. C’est une artiste peintre, elle nous raconte de nombreuses histoires sur son passé, lorsqu’elle a fait les Beaux-Arts et qu’on la forçait à faire des peintures abstraites, car c’était ce qui était tendance à l’époque, mais qu’elle détestait ça… Je fais de mon mieux pour traduire à Mathieu, car nous parlons en allemand, et elle raconte énormément de choses, et très vite.
Une fois nos assiettes vides, elle nous demande si on a assez mangé – oh que oui ! – et nous prenons congé : si nous voulons être rentrés avant la nuit, il ne faut pas traîner. Nous remontons donc tout ce que nous avons descendu ce matin, autant dire qu’on est pas les plus légers. On repasse rapidement chez Maria l’autrichienne, avec qui on papote tranquillement sous le soleil couchant. Elle est en pré-retraite et est venue s’installer ici il y a quelques mois. Elle respire la douceur et la bienveillance, elle nous rappelle Rikke, la maman de la famille danoise qui nous a hébergé à Copenhague. Nous marchons ensuite ensemble au sommet du tumulus qui domine le village. On estime qu’il date de l’âge de bronze, il mesure 45 m de diamètre et fait 6,5 m de hauteur. D’en haut, nous avons un panorama à 360° sur les environs, y compris le Monténégro et la Bosnie, et les dernières lueurs rougeoyantes du jour.
Enfin, nous retrouvons Marko chez lui, qui continue de nous raconter ses aventures. Cette fois, il parle beaucoup d’un projet qui lui tient à cœur et pour lequel il a beaucoup œuvré : la réhabilitation d’une ancienne voie de chemin de fer à voie étroite, “Ciro”, qui reliait, à l’ère yougoslave, Dubrovnik à Sarajevo, et qui a été abandonnée en 1976. Il aimerait que le tronçon croate soit restauré, pour en faire un train touristique (un peu comme le petit train de la Mûre). Selon lui, tout est encore en bon état, les viaducs, les tunnels, ne resterait plus qu’à reposer des rails. Il en parle passionnément et c’est beau à voir, malheureusement, c’est probablement un projet utopique qui ne verra pas le jour de sitôt… En attendant, nous allons découvrir une partie du tracé dans les prochains jours, car en Bosnie, c’est désormais un itinéraire cyclable !
Nous nous couchons ce soir en repensant à cette belle journée qui a été si riche en rencontres.
Le lendemain, après une deuxième bonne nuit de sommeil, nous aidons Marko rapidement à régler quelques problèmes informatiques, et nous le quittons. Sacré personnage ce Marko !
Notre cabanon
Notre route est belle, peu fréquentée, le temps est fabuleux et on a même trop chaud. C’est à se demander si on est vraiment en janvier ! Nous ne sommes pas loin de Dubrovnik, et nous ne tardons pas à l’apercevoir en contrebas. Quelle belle vue !!!
Nous nous installons au bord de l’eau et des remparts pour pique-niquer, avant de nous promener un peu dans la ville fortifiée. C’est très beau, mais bon, la ville est totalement morte. Tout est fermé, il y a peu de gens, et le seul café qu’on peut boire nous est proposé à 4 € ! Ah si, on peut aussi faire le tour des remparts, mais pour ça, il faut débourser 25€. N’importe quoi ! Tellement différent du Dubrovnik vivant dont Marko nous parlait, où quand il était enfant, il jouait au foot au bord des remparts.
Nous nous installons rapidement dans la chambre que nous avons réservée, et nous préparons pour ce soir : à 21h, nous sommes interviewés en direct par la webradio “allolaplanete” pour l’émission « Voyage sans ailes »! Exercice totalement nouveau pour nous, mais plutôt marrant.
Le lendemain, nous quittons Dubrovnik, et gravissons la côte qui nous sépare de la frontière avec la Bosnie Herzégovine. Nous la traversons sans encombre ; encore une fois, ils ne sont pas très regardants et ne vérifient aucun papier lié au covid.