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Croatie

Mikulici Nature Park et Dubrovnik

Une fois en Croatie, nous avons encore quelques kilomètres à parcourir et du dénivelé à grimper sur une route bien raide, qui nous oblige à pousser le vélo. Fatigant, mais on est récompensé lorsqu’on arrive au “Mikulici Nature Park” !

Voilà un endroit créé par Marko, notre hôte warmshower pour ce soir. Nous découvrons ce fascinant personnage : de grande carrure, chapeau de paille dégarni vissé sur le crâne, barbe blanche, qui parle l’anglais avec un bel accent américain et ponctue ses phrases de “fuck” et “fucking”. Voilà Marko, 84 ans, né à Dubrovnik.

Voilà un extrait de ce qu’on peut lire sur lui sur internet, et qui colle tout à fait au personnage :

« Marko swears a lot and he has no patience for idiots. He can be the perfect gentleman one minute and then revert to his irritable grumpy old man person in a heartbeat for no reason. « 

A 18 ans, il a passé un an en camp de réfugié en Italie, avant d’émigrer au Canada, où il a passé 47 années. Parti de rien, il a réussi à faire du business là-bas, a été patron de trois boîtes, … Et puis, il est revenu en Croatie pour sa retraite, où il a récupéré la terre de ses parents, là où nous nous tenons maintenant. Il vit désormais dans une toute petite maison qu’il a construite, presque un bungalow, avec seulement un panneau solaire pour l’électricité, et la douche froide au tuyau. Il accueille de nombreux voyageurs comme nous, gratuitement, qui peuvent camper dans son grand terrain, dormir dans la cabane, et l’aider un peu de temps en temps pour l’entretien de ces espaces verts.

Cet homme, qui semble avoir eu mille vies, qui regorge d’anecdotes – folles pour certaines – reste un mystère pour nous. Qu’est-ce qui l’a amené à tout abandonner de sa vie luxueuse de patron d’entreprise, pour arriver ici et vivre de presque rien ? Pourquoi a-t-il fui la Croatie à 18 ans (en 1956 probablement donc), quand il nous dit que Tito était comme un père pour lui ? Comment se définit-il socialiste, marxiste, alors qu’il a vécu la grande vie et gagné plein d’argent ?

Il nous dit qu’il écrit ses mémoires, autant dire qu’on aimerait beaucoup les lire pour en apprendre plus sur cet énigmatique personnage !!!

Nous passons une très bonne nuit dans la cabane en bois en haut du grand jardin de Marko, on a même eu trop chaud ! Nous prenons le café tous les trois, et puis nous partons nous promener. Hier soir, une voisine autrichienne de Marko, Maria, nous a proposé de passer la voir dans la journée. Nous avons donc décidé de rester un jour supplémentaire par ici. Bon, finalement, nous la prenons de court et elle n’est pas dispo, mais elle nous conseille d’aller à Molunat, un petit village en bord de mer pas loin d’ici. Ni une ni deux, nous voilà partis ! 

Nous entamons une grosse descente (logique vu tout ce qu’on a monté la veille), droit vers la mer. C’est fou comme le paysage et la végétation ont changé depuis hier ! On dirait presque que c’est le passage de la frontière qui marque ce changement, mais c’est juste que ça correspond aussi au moment où on a quitté les terres pour revenir sur la côte… Toujours est-il que nous sommes désormais dans un paysage bien méditerranéen, avec les pins maritimes, et avec des températures bien plus clémentes.

A Molunat, la vue est charmante, des petites maisons au bord de l’eau cristalline, quelques bateaux de pêche… Mais par contre, pas un chat, et rien d’ouvert pour manger !! Nous croisons quand même une vieille dame au bout d’un moment, qui nous indique la direction à suivre pour trouver une supérette. On a de la chance, elle est ouverte et à deux pas !

On pique-nique ensuite au bord de l’eau, bien au calme, avant de rebrousser chemin. Et c’est là que nous retombons sur la même dame que tout à l’heure, qui s’excuse et nous dit : je n’ai même pas pensé à vous inviter à boire un café tout à l’heure ! Mais venez donc, installez-vous sur ma terrasse ! Ni une ni deux, nous voilà donc au soleil au bord de la mer et d’une toute petite église, avec un verre de jus de fruit à la main, et notre hôte qui s’affaire en cuisine. Je dis à Mathieu qu’à tous les coups, elle nous prépare un petit goûter et va nous ramener des gâteaux 🙂

Eh bien j’ai presque tout juste… Elle revient bien avec le goûter mais il s’agit d’œufs au plat sur du lard bien épais bien gras. Et on doit avoir des têtes d’affamés, car elle nous sert non pas un mais quatre œufs chacun !!! Alors là, l’attention est vraiment sympa, mais nous, on est au bord du malaise ! Entre le soleil qui nous tape sur le coco et l’énorme pique-nique qu’on vient de s’enfiler, avaler ces 4 œufs est un véritable calvaire – mains moites, transpiration, hauts le cœur …-  et relève d’un exploit (même Mathieu est en souffrance !). Mis à part ça nous faisons donc la connaissance d’Anna-Maria, une allemande de 84 ans, dont le mari, décédé 2 ans plus tôt, était croate. C’est une artiste peintre, elle nous raconte de nombreuses histoires sur son passé, lorsqu’elle a fait les Beaux-Arts et qu’on la forçait à faire des peintures abstraites, car c’était ce qui était tendance à l’époque, mais qu’elle détestait ça… Je fais de mon mieux pour traduire à Mathieu, car nous parlons en allemand, et elle raconte énormément de choses, et très vite.

Par ici pour voir quelques-unes de ses œuvres.

Une fois nos assiettes vides, elle nous demande si on a assez mangé – oh que oui ! – et nous prenons congé : si nous voulons être rentrés avant la nuit, il ne faut pas traîner. Nous remontons donc tout ce que nous avons descendu ce matin, autant dire qu’on est pas les plus légers. On repasse rapidement chez Maria l’autrichienne, avec qui on papote tranquillement sous le soleil couchant. Elle est en pré-retraite et est venue s’installer ici il y a quelques mois. Elle respire la douceur et la bienveillance, elle nous rappelle Rikke, la maman de la famille danoise qui nous a hébergé à Copenhague. Nous marchons ensuite ensemble au sommet du tumulus qui domine le village. On estime qu’il date de l’âge de bronze, il mesure 45 m de diamètre et fait 6,5 m de hauteur. D’en haut, nous avons un panorama à 360° sur les environs, y compris le Monténégro et la Bosnie, et les dernières lueurs rougeoyantes du jour.

Enfin, nous retrouvons Marko chez lui, qui continue de nous raconter ses aventures. Cette fois, il parle beaucoup d’un projet qui lui tient à cœur et pour lequel il a beaucoup œuvré : la réhabilitation d’une ancienne voie de chemin de fer à voie étroite, “Ciro”, qui reliait, à l’ère yougoslave, Dubrovnik à Sarajevo, et qui a été abandonnée en 1976. Il aimerait que le tronçon croate soit restauré, pour en faire un train touristique (un peu comme le petit train de la Mûre). Selon lui, tout est encore en bon état, les viaducs, les tunnels, ne resterait plus qu’à reposer des rails. Il en parle passionnément et c’est beau à voir, malheureusement, c’est probablement un projet utopique qui ne verra pas le jour de sitôt… En attendant, nous allons découvrir une partie du tracé dans les prochains jours, car en Bosnie, c’est désormais un itinéraire cyclable !

Par ici pour voir plus de photos d’archive du Ciro Train.

Nous nous couchons ce soir en repensant à cette belle journée qui a été si riche en rencontres.

Le lendemain, après une deuxième bonne nuit de sommeil, nous aidons Marko rapidement à régler quelques problèmes informatiques, et nous le quittons. Sacré personnage ce Marko !

Notre route est belle, peu fréquentée, le temps est fabuleux et on a même trop chaud. C’est à se demander si on est vraiment en janvier ! Nous ne sommes pas loin de Dubrovnik, et nous ne tardons pas à l’apercevoir en contrebas. Quelle belle vue !!!

Nous nous installons au bord de l’eau et des remparts pour pique-niquer, avant de nous promener un peu dans la ville fortifiée. C’est très beau, mais bon, la ville est totalement morte. Tout est fermé, il y a peu de gens, et le seul café qu’on peut boire nous est proposé à 4 € ! Ah si, on peut aussi faire le tour des remparts, mais pour ça, il faut débourser 25€. N’importe quoi ! Tellement différent du Dubrovnik vivant dont Marko nous parlait, où quand il était enfant, il jouait au foot au bord des remparts.

Nous nous installons rapidement dans la chambre que nous avons réservée, et nous préparons pour ce soir : à 21h, nous sommes interviewés en direct par la webradio “allolaplanete” pour l’émission « Voyage sans ailes »! Exercice totalement nouveau pour nous, mais plutôt marrant.

Le lendemain, nous quittons Dubrovnik, et gravissons la côte qui nous sépare de la frontière avec la Bosnie Herzégovine. Nous la traversons sans encombre ; encore une fois, ils ne sont pas très regardants et ne vérifient aucun papier lié au covid.

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