Nous quittons Mostar le lendemain matin, et reprenons la direction de la Croatie. Encore pas mal de dénivelé, puisqu’une chaîne de montagne nous sépare de la côte.
Nous nous appliquons à dépenser toute notre monnaie locale avant la frontière, à coup de viennoiseries, gâteaux, cafés, …
Juste après être rentrés en Croatie, nous arrivons à la petite ville d’Imotski, perchée dans la montagne. On est à la fin de l’après-midi, on a pas vraiment de plan pour dormir ce soir, alors on va s’attabler à un café et voir ce qu’il adviendra. Eh bien ce jour-là, pas grand chose ! Alors avant que la nuit tombe, nous repartons et allons voir le lac bleu d’Imotski, dans l’espoir d’y mettre notre tente.
Bon, c’est un lac dans un gouffre karstique, donc pour s’installer à son rivage, on repassera ! En revanche, il y a une grotte dans la falaise qui le surplombe, et elle nous semble un bon compromis. On y sera à l’abri du vent, qui s’est levé, et un peu protégés du froid également ! Ce n’est certes pas d’une propreté sans faille, mais ça fera notre affaire pour ce soir ! Nous voilà donc hommes des cavernes pour un soir !
Nous nous réveillons tôt le lendemain matin, mais nous avons bien dormi. Il fait toujours bien froid, alors nous allons nous réchauffer au café du village. Quel étonnement, nous sommes samedi matin, même pas 9h, et le café est déjà bondé, avec pleins de jeunes ! Ça semble bien vivant par ici.
On reprend la route, avec un arrêt juste à côté d’ici, au lac rouge cette fois. Comme la veille, il s’agit d’un lac dans un gouffre, formé à la suite de l’effondrement du toit d’une cavité karstique.
Ces deux lacs tiennent leurs couleurs, pour le premier, du reflet du ciel à sa surface, pour le second du reflet des falaises ocre et rouge tout autour (absolument pas explicite quand on voit la couleur de l’eau sur nos photos 😅).
C’est ici pour en savoir plus sur le lac rouge et sur le lac bleu.
Une des légendes autour de ces deux lacs :
« Il y a de nombreuses années, un homme très riche nommé Gavan et son épouse Gavanica et leurs enfants vivaient dans la région d’Imotski. Si Gavan avait l’apparence d’un homme, son âme était diabolique. Il maltraitait ses servants, les habitants de la ville, son unique hobby étant d’accumuler les richesses.
Afin de se convaincre de l’arrogance de Gavan, un ange descendit vers ses châteaux, déguisé en médiant qui demandait l’aumône. C’est Gavanica, l’épouse, qui lui ouvrit la porte et refusa de lui donner de l’eau et de la nourriture. À la question de l’ange lui demandant si elle craignait la punition divine, l’arrogante femme fortunée lui répondit d’un ton désagréable : Je n’ai rien à faire de ton Dieu, tant que j’ai mon Gavan !
À cet instant, l’ange jeta ses habits déchirés et s’empara d’une épée en flammes. Le ciel grondait et les éclairs s’abattaient sur la ville. La terre s’ouvra à force de tremblements, les Gavani et toute leur richesse étant engloutis dans des trous profonds à l’endroit des lacs rouge et bleu actuels. »
Nous enchaînons ensuite les kilomètres, pas mal de dénivelé encore aujourd’hui, et aussi de nombreux lacs karstiques (mais moins impressionnants que ceux d’Imotski !). Nous longeons un beau canyon, et finissons par déboucher sur le village d’Omis, en bord de mer.
Si on se réjouit d’avoir enfin retrouvé la côte, il nous reste encore 20 km avant d’atteindre Split, et on est bien fatigué. Pour couronner le tout, petite hypoglycémie, de quoi titiller nos nerfs à vif. Bref, la fin de journée est bien bien difficile, et on s’écroule en arrivant. Ça tombe bien, on a trouvé un appart grand luxe dans une très belle maison, avec canapé, cuisine et machine à laver, pour une poignée d’euros.
Ce soir, on tombe de sommeil.
Le lendemain, une fois requinqués, nous partons à la découverte de la ville de Split. Dans la ville fortifiée, nous pouvons jeter un rapide coup d’œil à la cathédrale car c’est la messe (ça semble beau, mais il faut payer cher pour y entrer en-dehors des offices, donc tant pis !). La promenade dans l’enceinte des remparts est sympathique, tout autant que celle en bord de mer. Partout des cafés, et partout, du monde !! Voilà enfin une ville vivante, quel plaisir de voir le beau temps, et tous ces gens qui profitent du soleil en terrasse, alors même qu’il n’est que tôt le dimanche matin !
Nous continuons de nous promener dans cette ville, qui sera notre préférée parmi celles qu’on visitera en Croatie.
Le soir, crêpes party à l’appart, miam miam !
Nous quittons le lendemain ce bel appartement et la ville de Split. Enfin, on essaie, car elle s’étale sur de longs kilomètres dans une grande zone portuaire industrielle. Pas un littoral côtier très glamour mais bon ^^ Peu à peu la vue se dégage et nous pouvons profiter du paysage, du soleil … et du satané vent de face !
On fait une pause le midi à Trogir, autre ville côtière fortifiée, et puis on poursuit notre chemin. En fin de journée, nous rencontrons Leo, un suisse de 65 ans qui roule dans la même direction que nous (le seul qu’on ait croisé dans notre sens !!), et cinq minutes après, un couple argentin, Carla et Leo (lui aussi !), et leur chien Piri. Ils sont très enjoués, très sympa, et on regrette de ne pas pouvoir passer plus de temps avec eux. En revanche, nous roulons avec Leo.
Sacré personnage… Il nous a raconté son périple étape par étape, ville par ville, jour par jour… Autant dire que l’histoire est longue, puisqu’il a traversé l’Italie du nord vers le sud, a rejoint l’Albanie, et est sur le chemin du retour vers le nord. La plupart du temps, il frappe aux portes des églises et presbytères, et se fait héberger et nourrir par les curés. Nous apprenons qu’il n’a ni femme ni enfants, d’où la relation très forte qu’il a développé avec l’église (ce sont ses mots). En effet, il essaie d’assister à la messe tous les jours !!!
Comme nous avons un toit pour dormir ce soir, nous lui proposons de se joindre à nous et de dormir sur le canapé de la chambre qu’on a trouvé. Ce qu’il accepte avec plaisir. C’est ainsi qu’on se retrouve tous les trois dans la petite chambre, le soir. Leo profite du wifi pour passer de nombreux coups de fils (et systématiquement il répète inlassablement toutes les villes où il est passé, jour par jour, église par église…). Comme il n’a pas l’air d’avoir à manger, ni d’être disposé à y remédier (l’habitude de se faire nourrir par les curés ?), nous partons faire quelques courses. Lui est toujours au téléphone, mais il nous lance quand même : n’oubliez pas le pain, c’est très important le pain !
A notre retour, c’est également Mathieu et moi qui cuisinons, et pendant le repas, Leo nous répète à nouveau, au moins trois fois son périple. De mon côté, je suis patiente et me dis qu’il doit avoir un début d’Alzeihmer ou autre truc du genre. De son côté, Mathieu piaffe et s’énerve qu’aucune discussion ne soit possible, puisque Leo ne semble nullement intéressé de savoir ce que nous, nous avons fait.
Bon bon, après le repas, on s’empresse de dire qu’on est fatigué, histoire de couper court à tout ça.
Au réveil le lendemain matin, ma patience s’est évaporée. Leo, qui ne s’est pas préoccupé de préparer le petit dèj s’enquiert : “is coffee ready ?”. Haaaaaaaa !! “I don’t know, do you have coffee ?” Bien sûr, il n’en a pas, donc nous lui en fournissons. “Do you have sugar?” Aie aie aie, de bon matin, dur de rester diplomatique. Mais ça n’a pas l’air de le froisser plus que ça, comme il sait que nous visons Zadar, il propose que nous fassions la route ensemble. Alors vite vite, on essaie de se trouver un échappatoire : on repère des chutes d’eau un peu à l’est, ce qui fait faire un détour avant de rejoindre Zadar, et on lui dit que finalement, nous irons ici aujourd’hui.
Le temps de se brosser les dents, voilà Leo qui revient : “j’ai étudié la carte, alors les chutes d’eau sont par là, donc d’ici ça fait 60 km, et donc ensuite on pourrait passer par là …” Alerte !!! On finit par lui dire qu’avec notre tandem, on roule très vite et qu’on ne va donc pas faire la route. Nous nous séparons donc dès que nous avons rejoint un axe principal. Fiou !!!
Nous nous arrêtons à la ville de Sibenik pour nous y promener, non sans jeter parfois un coup d’œil par-dessus notre épaule, car on sait que c’est ici, à l’église principale, qu’il comptait dormir la veille ! Cette église est d’ailleurs très belle, surtout de l’extérieur. De nombreuses têtes sculptées forment une frise tout autour du bâtiment. On s’élève ensuite un peu pour apprécier une vue plus globale, et le seul point de vue gratuit, c’est au cimetière. Nous y slalomons entre d’énormes caveaux.
Puis, on repart, le long d’une route peu passionnante et plutôt passante. C’est un peu fastidieux, mais au moins, on enchaîne les kilomètres. Nous rencontrons à nouveau deux français, Pierre et Louis, qui viennent de finir leurs études et partent en vélo avant de travailler. Ils nous disent qu’ils ont croisé Leo, et qu’il est loin devant nous. Ouf ! Notre soulagement les étonne un peu mais bon… ils n’ont pas passé la soirée avec lui ^^ Ils sont partis de Nice il y a seulement 15 jours ! Certes, ils ont roulé vite et longtemps, mais ça nous fait un petit coup de savoir que ça y est, la France est toute proche !
Nous arrivons ensuite à la ville de Biograd Na Moru, d’où part un ferry pour l’île de Pasman. Nous sommes en pleine hésitation : la route de ce côté-ci est inintéressante, mais celle sur l’île sera-t-elle meilleure ? Il y a un vent à décorner les bœufs, sera-t-on mieux ici ou en face pour planter la tente, l’île ne sera-t-elle pas plus ventée ? Le ferry part à 16h40, et arrive à 17h, heure du coucher de soleil. Aura-t-on le temps de trouver un endroit où dormir avant la nuit noire ? Après de longues hésitations, et l’heure du ferry se rapprochant de plus en plus, nous décidons finalement de le prendre, et puis on verra bien une fois sur l’île !
Là-bas, nous allons dans un premier temps au café du village Tkon, dans l’espoir que quelqu’un nous invite. Bon, ça n’est pas très fructifiant, en revanche, la serveuse nous indique une direction à suivre pour trouver un endroit tranquille. Et en effet, alors qu’il fait presque nuit, nous longeons la côte et trouvons un tout petit espace entre une villa-hôtel fermée et la plage, où nous installons notre campement. Et bingo, de ce côté de l’île, nous sommes totalement à l’abri du vent !